Thème 2 : Idéologies,
opinions et croyances en Europe et aux USA de la fin du XIXe siècle à nos jours
Chapitre 2 : Médias et
opinion politique dans les grandes crises politiques depuis l’affaire
Dreyfus
Les médias sont les moyens techniques
qui permettent de diffuser l’information à une population. Les médias prennent
leur essor à la fin du XIXe siècle avec le progrès de la scolarisation et grâce
au progrès technique qui permettent de diminuer le prix des journaux. Les
médias touchent alors un vaste public en
France : « mass-médias ». Ces médias vont influencer
l’opinion à de nombreuses reprises.
Comment les médias participent-ils à
la formation et à l’expression de l’opinion publique ?
Quelles sont, depuis 1890, les
principales crises françaises dans lesquelles les médias ont joué un rôle
clef ?
I-
Médias de masse et crise politique de
l’affaire Dreyfus à 1939
A- L’affaire
Dreyfus
1- Contexte médiatique de
l’affaire
Au niveau politique : C’est la IIIe République depuis 1870. La France est une démocratie,
un pays de liberté : 1881 lois sur la liberté de la presse.
Au niveau scolaire : En 1880, Jules FERRY rend l’école obligatoire ce qui
entraîne un progrès du niveau d’alphabétisation.
Au niveau technique : Progrès techniques importants. En 1872, la
Rotative
permet de diffuser massivement les journaux. Les télégraphes et le train permettent
de diffuser les informations plus vite.
Contexte économique : Les salaires ont légèrement augmentés à la fin XIXe
siècle. Le
prix du journal baisse grâce à la publicité.
2- L’âge d’or de la presse
écrite (1881-1914)
Le tirage des journaux est multiplié par trois, presque tout
le monde lit le journal.
Il y a deux types de journaux :
-
Les informations grand
public : Le petit journal, Le petit parisien. Ils
publient à plus de 500000 exemplaires, ont des analyses politiques prudentes.
-
C’est
l’heure
de gloire de la presse d’opinion : L’Humanité (extrême gauche), l’Aurore
(gauche modérée), Le Figaro (droite),
L’Action française (extrême droite).
3- Le traitement de l’affaire
Dreyfus par les médias
Dreyfus est accusé à tort d’espionnage en 1894, il est condamné au bagne en Guyane
française. Déjà à l’époque, l’affaire est très médiatisée.
En 1896, le colonel Picquart découvre
que Dreyfus est innocent mais il n’est pas écouté par ses supérieurs. Il est
muté dans le désert. Il va écrire à Emile Zola en lui racontant les faits.
1897 : Esterhazy (le vrai coupable) est
jugé et est acquitté.
A l’époque, les médias sont
convaincus que Dreyfus est coupable -> articles antisémites de la
presse d’extrême droite (La libre Parole).
13
janvier 1898 : Tribune de Zola dans l’Aurore
-> J’accuse. Il
accuse l’armée d’avoir volontairement laissé condamner un innocent. Zola
provoque un procès contre les généraux en sachant que ce procès sera médiatisé,
il
utilise l’opinion publique (c’est nouveau). L’écrivain est condamné à
deux ans de prison.
Progressivement, la presse bascule
et se range dans le camp de Dreyfus mais en 1898-99, la presse est
partagée en deux camps :
-
La presse
dreyfusarde :
plutôt à gauche et droite modérée (Jean
Jaurès, Clemenceau).
-
La presse
antidreyfusarde :
extrême gauche et extrême droite (Charles
Maurras, Barres). Leurs arguments sont : Dreyfus est probablement un traître parce qu’il est juif et même s’il est innocent, il faut protéger l’armée.
L’affaire
Dreyfus va profondément fracturer la société française : familles divisées, bagarres de rue
entre étudiants.
è La France est au bord d’une
guerre civile.
Le
président de la République gracie Dreyfus ce qui va faire retomber les tensions
en 1906.
è L’affaire Dreyfus marque
l’âge d’or de la presse d’opinion. Elle est largement lue et surtout, elle fait
basculer l’opinion publique en faveur du condamné.
B- La
crise du 6 février 1934
1- Le contexte du 6 février
Les nouveaux médias :
La
radio est diffusée dans presque tous les foyers à une vitesse record (Radio Paris qui deviendra France
Inter).
Le
cinéma avec bande son (1927)
diffuse des
actualités filmées.
La
presse d’opinion augmente ses ventes car le climat politique est très lourd à cause de la crise
qui a crispé l’opinion politique.
2- La crise de 1934
Le financier Stavisky fait la une des journaux en 1932/33. Il corrompt les
députés, c’est un escroc et il est juif. Il est arrêté le 8 janvier 1934 à
Chamonix puis meurt dans des conditions suspectes (suicide ?). Sa mort provoque
la colère des médias (surtout extrême droite). Ils insistent lourdement
sur le fait que Stavisky est juif et traite les députés de voleurs. Ce qui
conduit au rejet de l’ensemble de la classe politique (antiparlementarisme).
Le 6 février 1934, les médias d’extrême droite (L’Action française) organisent une manifestation devant l’Assemblée
nationale. Les communistes,
(L’Humanité), organisent aussi une manifestation le même jour.
è Ces manifestations vont se
rencontrer, ce qui va être catastrophique et meurtrier (17 morts et plus de
2000 blessés). Le lendemain, les Français sont abasourdis et ont peur d’un coup
d’Etat fasciste.
3- Le rôle de la presse dans
la crise du 6 février
Un rôle amplifiant :
C’est la presse qui a appelé à manifester. La presse d’extrême droite a excité
ses militants à manifester devant l’Assemblée nationale. La presse d’extrême
gauche a appelé à manifester contre l’extrême droite.
Un rôle modérateur :
La radio ne dit rien des émeutes le soir même, elle attend la fin de l’opéra
(minuit) pour en parler. L’Etat contrôle la radio, il veut empêcher que la
manifestation ne dégénère encore plus.
Un rôle dans la réaction face à la menace de coup d’Etat
fasciste :
La presse de gauche/centre va
organiser une nouvelle manifestation le 12 février qui sera beaucoup plus
pacifique « la réaction fasciste ne passera pas ». Il y a une union politique
contre le fascisme conduisant à la naissance du Front Populaire. Le
Front populaire va remporter les élections législatives en 1936. Cette union va limiter la
liberté d’expression des médias avec l’interdiction d’inciter à la haine
raciale.
II-
L’Etat et le début de la révolution
audiovisuelle (1939-1967)
A- La
IIe Guerre Mondiale, une guerre des ondes
1- Contexte historique
La IIe GM débute en septembre 1939.
Côté français, la vraie guerre débute le 10 mai 1940 puisque la France est
envahie et perd puisqu’elle est occupée par les nazis à partir du 14 juin et pendant 4 ans
(juin 1940-1944)
Certains
Français veulent demander l’armistice -> Maréchal Pétain. D’autres veulent
continuer la lutte -> Général De Gaulle.
2- La guerre des ondes entre
Pétain et De Gaulle
Le 17 juin 1940, Pétain annonce l’armistice sur Radio Paris (canal officiel). L’audience est maximale puisque
la radio est la seule source d’information immédiate. Les Français sont anxieux. Pétain a une
voix chevrotante qui nous rappelle son âge élevé (84 ans).
Il se
« sacrifie »
-> allusion chrétienne, utilise beaucoup d’euphémismes (adversaires, soldat).
Il est
très modéré vis-à-vis d’Hitler, il ne peut pas trouver une paix dans l’honneur
avec les nazis.
Le 18 juin 1940, la BBC prête un
créneau à De Gaulle qui va énoncer son discours devenu très connu du fait de ses
répétitions puisque l’audience de ce discours est quasi nulle, il
s’adresse essentiellement aux soldats Français résidant sur le sol britannique. Ce discours est bricolé dans l’urgence. De
Gaulle emprunte un ton martial, dramatique, à l’inverse de Pétain pour qui il éprouve du
mépris.
è Les deux discours sont
totalement opposés tant sur le fond que sur la forme.
3- Cette opposition par médias
interposés se poursuit pendant 4 ans
Dans le camp de Vichy :
C’est une dictature, la presse et la radio sont totalement
sous contrôle de la censure. La presse montre une France unie derrière Pétain, les Alliés sont
présentés de façon négative -> la presse collabore avec les nazis.
Le Petit Parisien se réjouit des succès des nazis, Le Temps va lui être jugé à la
libération et disparaître.
Les
temps sont difficiles pour la presse, le papier est rare (privations organisées
par les nazis). Les titres sont chers, rares et certains font faillite.
Radio Paris et Radio Vichy
s’alignent sur la radio nazie (discours de collabos), elles subissent la propagande de Goebbels (ses discours
sont traduits). Pétain utilise
le canal radio pour s’adresser aux écoliers.
è La propagande est
omniprésente et lourde, les Français sont lassés, cela s’avère alors
contre-productif. Les actualités valorisent à l’excès le Maréchal Pétain qui
est comparé à un sauveur.
Dans le camp de la France libre :
De Gaulle tente de favoriser une presse clandestine mais il fait face à des difficultés,
trouver du papier. Des centaines de titres paraissent (une feuille) et sont éphémères.
Cette presse
est souvent de gauche et permet à De Gaulle de se faire connaître. Combat dénonce la collaboration de
Pétain, Le Franc-Tireur est
recherché mais rare et fait la liaison avec la France libre.
De Gaulle veut aussi s’exprimer par la radio mais peu de
personnes l’écoutent. En
septembre 1940, il obtient un créneau régulier sur BBC
« les Français parlent aux Français ». Goebbels le sait et
va essayer de brouiller les ondes. Mais l’émission se fait de plus en plus connaître et se
fait écouter par plus de personnes. En 1943, il y a 70% d’écoute mais celle-ci
est dangereuse. La radio permet de donner des nouvelles du front (victoire à Stalingrad) et de faire passer des
messages codés à la résistance (Les
sanglots longs des violons de l’automne).
Vichy essaye de discréditer la BBC. De Gaulle est représenté comme un
micro et comme étant l’ami des juifs ce qui très raciste, antisémite et
maladroit de la part du gouvernement de Vichy.
è La 2GM nous a montré
l’importance de la communication. Vichy a perdu la bataille des ondes. Le
peuple ne croit pas les médias de Vichy (mensonges). Tout cela est un paradoxe
puisque De Gaulle est devenu populaire grâce aux médias alors que Pétain en
contrôle la totalité.
B- La
crise du 13 mai 1958
1- Le contexte
La Ive République a duré 12 ans (1946-1958). Elle est impopulaire car
il y a des guerres sans arrêt (guerres
coloniales) ainsi qu’une forte instabilité ministérielle puisque environ tous les 6
mois, le gouvernement change.
La guerre d’Algérie s’enlise, les pieds-noirs manifestent le
13 mai pour rappeler De Gaulle, ils mettent une grande pression. L’armée d’Algérie est prête à
débarquer en France pour imposer De Gaulle ce qui va semer la panique à
Paris. Pflimlin
a 2 choix : accepter De Gaulle ou dans le cas contraire, déclencher une
guerre civile. Il va nommer De
Gaulle président qui accepte sous réserve de pouvoir changer la constitution.
Cette
situation est très dangereuse pour la démocratie.
2- Le traitement de la crise
par les médias
C’est la grande époque de la radio qui est miniaturisée (transistors) et
elles sont
plus nombreuses : France
Inter n’est plus la seule, RMC
(Monaco), Europe 1 (Allemagne), RTL (Luxembourg), ce sont des radios
périphériques.
Le journal reste le principal canal d’information. Le journal L’Humanité s’oppose
fermement à la prise de pouvoir de De Gaulle « Alerte au
fascisme ». Même la presse très modérée comme L’Express est très hostile à De Gaulle.
Les télévisions existent mais elles sont rares (5 % des foyers la possède), les
journaux télévisés sont très peu actifs.
3- Le traitement de la crise
du 13 mai par les actualités filmées
Sur un reportage de près de huit
minutes, l’opposition a le droit à 28 secondes. De Gaulle est un dictateur
fasciste selon l’opposition. Mais il n’y a pas plus d’explications à ce sujet.
De Gaulle est surnommé le sauveur de la France, le porteur du destin de la
France (termes mélioratifs). Les manifestants ne sont pas traités de la même
manière : la gauche incarne la violence alors que les gaullistes sont tranquilles.
De Gaulle
est présenté comme un héros, il est seul.
Il est présenté comme le triple sauveur de la France.
è Ce reportage est totalement
partisan et favorise De Gaulle. L’ORTF (organisme du gouvernement) a produit ce
reportage, les actualités sont contrôlées par le gouvernement. L’ORTF a
facilité la prise de pouvoir du Général De Gaulle. Les seuls médias vraiment
libres sont les journaux (surtout ceux de l’opposition).
III-
Libéralisation et diversification des médias
au temps de la société de consommation (depuis 1968)
A- La
crise de mai 1968
1- Le contexte
De Gaulle est au pouvoir depuis 10 ans, la guerre d’Algérie est finie et
la
croissance économique est forte (30 glorieuses), c’est donc un contexte très
calme.
De
vastes mouvements étudiants partis de Nanterre vont apparaître dans toutes les
grandes villes de France.
A partir
du 13 mai, les étudiants sont rejoints par les travailleurs, toute la France est paralysée.
Les médias sont toujours contrôlés par l’Etat. La télévision s’est imposée dans les
foyers mais elle est toujours contrôlée par le pouvoir et est jugée ennuyeuse.
2- Les revendications des
étudiants
Au sujet des médias :
L’éditorial du Monde du 15 mars 1968
insiste sur le fait que les jeunes s’ennuient et désirent plus de liberté dans la
presse. Elle est jugée trop contrôlée par le pouvoir (De Gaulle y est
tout le temps).
è Les jeunes deviennent
méfiants à l’égard de la presse.
Ils désirent être écoutés :
Lors des manifestations de mai 1968, ils souhaitent
être entendus par les médias. Lorsque les manifestations dégénèrent au
combat, une partie de la presse soutient alors les manifestants en se passionnant pour
les faits. Les jeunes écoutent en continu ce qu’il se passe sur la radio
et sont passionnés par les médias indépendants (liens d’amitié). L’ORTF en
parle mais minimise l’ampleur des émeutes et en parle peu.
Revendication d’une presse moins matérialiste :
Une partie des manifestants se révoltent contre
les médias. C’est les débuts de la publicité (Radiola). Pour certains
étudiants, les médias sont avant tout les agents de la société de consommation parce
qu’ils vivent de la publicité qui est le symbole du capitalisme.
L’individu est aliéné par cette société de consommation « satiété de consommation ». Ces étudiants vont créer leur
propre presse (presse alternative).
L’école des Beaux-Arts se distingue : les étudiants vont créer des
affiches illustrant la révolte « sois
jeune et tait toi ».
3- Le rôle des médias dans le
dénouement de la crise
De Gaulle lance un discours à la radio le 30 mai 1968 qui va avoir du succès. Il parvient, en
annonçant la dissolution de l’Assemblée Nationale, à retourner l’opinion.
En effet, les manifestations cessent le 31 mai. Les grèves s’estompent mais l’ORTF
poursuit la grève tout au long du mois de juin, ils revendiquent plus
d’autonomie.
è En mai 1968, les deux camps
apprennent à utiliser les médias :
-
Du côté des étudiants : affiches, journaux, créativité
-
Du côté de De Gaulle : utilisation de la radio et menace sur
les grévistes de l’ORTF
B- La
crise du politique au XXIe siècle
1- La situation des médias
classiques
La presse d’opinion et la presse écrite en général sont en
déclin à cause notamment
des
journaux gratuits et de la presse numérique (la presse écrite va-t-elle
sur sa disparition ?).
Les radios sont nombreuses et thématiques.
Il y a de plus en plus de chaînes de télévision qui sont très spécifiques. Mais l’audience
stagne, surtout chez les jeunes.
Beaucoup de médias vont faire des émissions politiques. La télévision reste le canal privilégié
pour s’informer en politique. Les débats relatifs aux primaires de la
droite ont récoltés un maximum d’audience mais les émissions politiques sont si
nombreuses qu’il y a un risque de saturation (Le Débat par Vanessa
Burggraf, Vie Politique sur TF1…) plus de 7 émissions, les journalistes qui les organisent
sont devenus de véritables vedettes -> américanisation de la vie politique.
2- Internet alimente la crise
du politique
Depuis les années 80, les présidents sont de plus en plus
impopulaires (Sarkozy et
Hollande). Cette crise du politique est aggravée par internet qui :
-
Surinforme les
Français. Avec internet,
tout est devenu vérifiable, la population est mieux informée qu’autrefois, la
moindre contradiction est démasquée (pause
fiscale).
-
Amplifie les défauts
des politiques, c’est le « buzz ». Sarkozy aimait les médias, mettre sa vie en scène. Il
cherchait une plus grande proximité avec les Français (il se promène innocemment avec sa nouvelle femme à Disneyland). A force de
s’exposer, il devient la victime des médias. En insultant quelqu’un au
salon de l’agriculture, il avait fait le buzz et cela l’avait fortement
discrédité en tant que président. Une telle scène aurait été impossible
avec l’ORTF (censure).
-
Désinforme, tout est pris en dérision.
-
Les calomnies
décrédibilisent la fonction politique.
Peu
d’Hommes politiques ont une bonne image dans l’opinion.
è Internet a fragilisé les
Hommes politiques qui ne peuvent plus contrôler ce média. Pourtant, en
Allemagne, Merkel est restée très populaire alors qu’elle est au pouvoir depuis
2005.