Thème 1 Histoire TleEs : Le rapport des sociétés à leur passé
Chapitre 1 : L'historien et les mémoires de la guerre d'Algérie
Chapitre 1 : L'historien et les mémoires de la guerre d'Algérie
Chapitre 1 :
L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
Le 14 juillet 2014, la présence de soldats algériens lors du
défilé aux Champs Elysées fait débat aussi bien en France qu’en Algérie. Chaque
pays estime que l’autre ne s’est pas excusé pour les crimes commis au cours de
la guerre d’Algérie. Ce débat nous montre que les mémoires de la guerre
d’Algérie ne sont pas apaisées.
Guerre
d’Algérie : conflit
qui oppose la métropole française à sa colonie algérienne de 1954 à 1962.
Mémoire : ensemble des souvenirs (subjectifs)
d’un peuple au sujet d’un évènement.
Pourquoi 55 ans après la guerre d’Algérie, les mémoires de ce
conflit ne sont-elles toujours pas apaisées ?
I-
Le contexte : Une guerre dure, qui
aboutit à la construction de mémoires différentes (1962)
A- Rappel
des faits
Près de 1
millions de pieds – noirs (peuple venu d’Europe) vivent en Algérie et
exploitent 8 millions d’Arabes.
Le FLN
(front de libération nationale) mène des attaques terroristes en Algérie à
partir de 1954
-> Toussaint rouge.
En 1956, la
France envoie le contingent (1.5 millions de soldats), toute la population
française est donc concernée par ce qui se passe en Algérie.
En janvier
1957 a lieu la bataille d’Alger. Le colonel Massu ordonne l’utilisation de la
torture qui est aussi pratiquée du côté algérien. A la fin de l’année 1957, de
nouveaux attentats sont commis par le FLN.
En mai /
juin 1958 de grandes manifestations sont organisées par les pieds - noirs
prônant le retour du général De Gaulle qui se rend à Alger « je vous ai
compris » -> malentendu et sentiment de trahison chez les pieds –
noirs.
Le 17 octobre 1961,
une manifestation
du FLN à Paris est violemment réprimée (dizaines de morts).
Entre 1961
et 1962 sont négociés difficilement des accords de paix.
L’OAS
(mouvement terroriste pied – noir) apparait début 1962.
Le 19 mars 1962 sont
signés les accords d’Evian. S’en suivent, durant l’été, l’épuration ethnique d’Oran et l’exil des
pieds – noirs.
Les harkis
ne sont pas invités à venir en France, près de ¾ d’entre eux sont tués par les
membres du FLN.
B- L’état d’esprit des
différentes parties du conflit en 1962
La mémoire
de chaque groupe va se cristalliser sur les faits tragiques.
a) L’état
d’esprit des Arabes
Ils sont victimes de brutalités (villages entiers massacrés).
La mémoire Arabe va insister sur l’injustice de la colonisation et des
souffrances endurées.
Il existe un mythe, celui d’un peuple uni et courageux en lutte
pour sa liberté, une représentation idéalisée du passé.
Il existe aussi des tabous (sujets occultés). Messali Hadj, un
partisan pacifiste a été mis à l’écart par le FLN -> tensions internes. Les
tortures perpétrées envers les harkis, les Français et les modérés sont aussi
tuent.
b) L’état
d’esprit des Français
Les Français participent à une guerre dont ils ne voulaient
pas, ils en ont ras le bol des guerres. Cette guerre est synonyme d’échec.
L’armée Française souffre durant cette guerre qui ne dit pas son nom.
Il n’y a pas de mythe du côté Français.
En revanche, il existe des tabous, notamment les bleds ratissés par
l’armée Française en représailles contre les villages abritant des membres du
FLN ou encore les émeutes du 17 octobre 1961 à Paris.
c) Le
traumatisme des harkis
Les harkis ont été abandonnés par les Français et massacrés
par les Arabes. Les harkis accueillis en France vont végéter dans des camps.
Ils ont l’impression d’avoir été laissés pour compte -> « oubliés de
l’Histoire »
d) Le
traumatisme des pieds – noirs
Les pieds – noirs éprouvent une profonde nostalgie vis-à-vis
de leur « pays », ils sont « Nostalgériques ». Ils cultivent
le mythe d’une Algérie développée par les Colombs, une Algérie où les
différentes communautés vivaient en harmonie.
Ils sont traumatisés
par le rapatriement en France.
L’attitude
arrogante des Colombs est
un tabou,
ils « oublient » que les Arabes travaillent pour eux et pour un
salaire de misère. Ce qui concerne l’OAS (organisation terroriste pieds - noirs)
est aussi mis sous silence, les pieds – noirs n’assument pas l’existence de
cette organisation.
è Nous avons donc vu que chaque partie
du conflit a vécu des traumatismes qui vont influencer sa mémoire de la guerre,
avec des mythes et des tabous. Ces mémoires vont évoluer lentement jusqu’en
1990.
II-
Les mémoires de la guerre d’Algérie de 1962
à 1990
A- En
France, le temps de l’amnésie
Pendant toute la durée du conflit, la violence des combats
est minimisée, on parle de « mouvement, évènement, forces de l’ordre,
maintien de l’ordre ». En 1962,
Tavernier appelle la guerre d’Algérie la « guerre sans nom ».
-
Oublis sur le plan
politique :
De Gaulle
fait le choix de la realpolitik (efficacité). Une fois les accords d’Evian
signés (19 mars 1962), De Gaulle tourne la page -> oubli politique. Les
enquêtes sont rendues impossibles, la France n’en parle plus, n’y va plus. Des lois
visant à l’amnistie
(oubli sur
le plan pénal) sont votées à partir de 1966.
-
Oubli sur le plan
littéraire :
Il y a peu de livres au sujet de la guerre d’Algérie mis à
part le livre de VIDAL-NAQUET, La torture de la République publié en
1972.
-
Oubli sur le plan
cinématographique :
La bataille d’Alger de PONTECORVO sorti en 1965 a causé de nombreuses émeutes à
sa sortie, il a été interdit en France jusqu’en 2004, date de sa sortie
officielle ce qui montre que les
partisans de l’Algérie Française sont encore très nombreux et qu’ils ne sont pas prêts d’accepter le
discours subjectif du camp adverse.
-
Oubli scolaire :
La guerre d’Algérie n’est pas enseignée.
B- En
Algérie, la guerre est magnifiée
Le FLN gouverne l’Algérie sans interruption depuis
l’indépendance.
L’Algérie a une vision manichéenne de ce qui s’est passé,
l’Histoire est présentée de façon très subjective. La bataille d’Alger
est montré largement et intégralement dans les classes de lycée et est considéré
comme un document historique alors qu’il s’agit d’un film partisan.
Oubli
des pogroms et des divisions, une censure est mise en place par des anciens combattants.
L’Algérie est un pays dont l’histoire est très récente. La
guerre d’Algérie est l’évènement fondateur de l’identité Algérienne.
III-
Les mémoires de la guerre d’Algérie depuis les années 1990
A- L’évolution de la mémoire
au niveau politique
a) Du
côté Algérien
Bouteflika est le chef d’Etat de l’Algérie
depuis 1999 et est membre du FLN, il présente sa vision de la guerre
dans un discours. Ce discours reste inchangé depuis les années 1960
(manichéisme, agressivité …). C’est un discours dur contre la France.
L’échec de l’intégration de certains jeunes Français
d’origine Algérienne explique ce manque de souplesse à l’égard de la France.
La présence de Daesh en Afrique qui
est un ennemi commun de la France et du FLN ainsi que les investissements économiques en
Algérie (Renault) ont marqué une légère évolution du côté Algérien il y a 3/4
ans.
b) Du
côté Français
L’oubli officiel continue pendant les années 1980 y compris
sous Mitterrand
(était ministre de l’intérieur à l’époque de la guerre et avait tenu des propos
très fermes), il reconnait néanmoins les harkis et leur rôle dans l’armée Française en
1994 ainsi
que l’injustice
de l’Etat Français à leur égard.
En 1997, l’Etat reconnait son rôle, ouverture des
archives de la guerre d’Algérie, les ouvrages à son sujet se multiplient
donc.
Le 18 octobre 1999 la loi reconnait l’expression « guerre
d’Algérie ».
En 2002, un mémorial discret consacré à la guerre
d’Algérie est inauguré à Paris.
Chirac
se rend en Algérie
durant son mandat dans le but d’améliorer les relations franco – algériennes.
Sa politique est bien accueillie en France.
Les partisans de l’Algérie française ont vieillis, les
mentalités ont changées. Pour beaucoup de Français, la guerre d’Algérie et la
colonisation sont des choses injustes.
En 2000, les généraux Massu et
Aussaresses avouent et détaillent les tortures des sections spéciales en
Algérie ce qui permet de mieux connaître l’histoire de l’Algérie, néanmoins ils
n’éprouvent aucun remords.
Depuis les années 90, il y a une
multiplication des ouvrages sur le sujet de la guerre dont les célèbres livres
de Benjamin Stora : La guerre d’Algérie, Algérie ou encore Algérie
1954.
Il y a une volonté de synthèse à
l’occasion du 50ème anniversaire des accords d’Evian :
-
Guerre d’Algérie : la déchirure (documentaire), 2012
-
L’ennemi intime,
Florent Siri, 2007. C’est un film d’action à grand budget. Il n’a pas de tabous
qui évoque les massacres aveugles, les tortures, le Napalm, la maltraitance des
harkis… Il a été très bien accueillit, les mémoires se sont apaisées dans
l’esprit des Français.
Un dernier tabou est levé sur la nuit du 17 octobre 1961 par
François Hollande ce qui est bien accueillit en Algérie mais la droite
Française (Sarkozy/Fillion) est
mécontente. Elle estime que ce sont toujours les Français qui reconnaissent
leurs torts à l’inverse de l’Algérie qui reste silencieuse.
B- Les
limites du dégel
a) Limites
sur le plan politique
Une pétition est organisée en 2005 par l’historien Claude
Liauzu et est publiée dans le journal Le Monde.
Cette pétition dénonce
une loi de 2005 insistant sur le rôle positif de la présence Française en
Afrique du nord. Cette loi choque car des députés essayent de légiférer
sur la façon dont on doit enseigner l’Histoire. Cette loi est finalement
abrogée. Cette loi met en colère les Algériens, le gouvernement exige de la
France qu’elle « s’excuse d’avoir colonisé l’Algérie » en 2007. Le
gouvernement Français ne s’est toujours pas excusé.
La mémoire de cette guerre n’est pas
apaisée, les Français ne veulent pas être les seuls à s’excuser.
En 2007, le « Mur des
disparus » est érigé à Perpignan, il est financé par les pieds -
noirs. Il commémore la mémoire de tous les disparus (harkis et pieds - noirs) entre
le 19 mars 1962 (accords d’Evian) et juillet 1962. Beaucoup de pieds –
noirs n’acceptent pas que la date du 19 mars soit la date officielle de la fin
de la guerre. En effet les massacres ont continués après cette date.
Cela prouve que la date officielle de la fin de la guerre fait débat.
b) Limites
socio-culturelles
Des tensions existent aujourd’hui entre les Français de
souche et certains Français d’origine Algérienne.
Les Français reprochent à ces jeunes d’être souvent impliqués
dans des faits de délinquance.
Les Algériens
déplorent le fait que les Français n’intègrent pas suffisamment ces jeunes
(discrimination à l’embauche, au travail…)
Les relations sont tendues et cela empêche la
recherche de mémoires apaisées. De plus, depuis 2015, la vague
d’attentats que connait la France ne fait que d’aggraver les tensions (origine
algérienne de certains terroristes).
è Les mémoires de la guerre
d’Algérie ont évoluées lentement du côté Français, il y a moins de tabous mais
elles ne sont pas apaisées car les tensions persistent entre la France et
l’Algérie.
François Hollande tente depuis 5 ans d’améliorer
les relations avec l’Algérie et son rêve serait de parvenir à un traité d’amitié avec l’Algérie avant la fin de son mandat.
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