Thème
5 : Intégration, conflit et changement social
Quels
liens sociaux dans les sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
Société où l’individu a plus
d’importance que les instances traditionnelles de l’intégration (famille, Eglise, relation de voisinage dans
les petits villages).
Les liens sociaux sont
les relations
sociales qui cimentent une société. Ces liens permettent l’intégration sociale (capacité
à se sentir membre d’une société).
I-
Quelles formes de solidarité dans nos
sociétés développées
Pour Durkheim, l’intégration peut se dérouler de deux
manières : par la solidarité mécanique et par la solidarité organique.
A-
Solidarité mécanique : le lien peut se construire sur la ressemblance
des individus
Pour se sentir solidaire les uns des
autres, les individus doivent partager des points communs qui les rapprochent.
En transmettant des valeurs, une culture, une langue, une Histoire commune. Une société
cherche à faire ressortir les ressemblances entre les individus. Une
solidarité va naître entre ceux-ci, elle sera plus forte qu’avec des étrangers
qui ne partagent pas les mêmes choses. En faisant ressortir les points
communs, la société limite les conflits et réduit la place de l’individu :
le groupe est plus important, toute transgression sera (fortement) sanctionnée.
Cette solidarité est mécanique car comme les robots programmés
pour réagir d’une certaine manière, les individus sont « programmés »
à travers une Histoire… pour avoir les mêmes réactions en cas de changement de leur
environnement.
B-
Solidarité organique : le lien peut se construire sur la
complémentarité des individus
La conscience
collective correspond aux sentiments, valeurs partagées par une société.
Elle est conséquence
d’une culture et d’une socialisation commune.
Dans la solidarité mécanique, celle-ci est plus forte que la
conscience individuelle ce qui est la différence avec la solidarité
organique : l’individu peut être un véritable acteur indépendant des instances.
La solidarité organique est basée sur les différences
sociales et culturelles qui peuvent exister entre les membres d’une société.
Ces différences vont les rendre complémentaires et donc solidaires. Chacun joue un
rôle particulier dans la société et a besoin des autres pour s’y épanouir
totalement. Cette solidarité provient essentiellement de la division sociale du
travail : plus une société se complexifie, plus l’individu doit se
spécialiser pour avoir une utilité aux yeux des autres. Cette division apparait
dans l’entreprise mais aussi dans la famille (répartition des tâches). Comme les
organes du corps humain, les individus sont différents mais complémentaires les
uns des autres.
è
Ces deux formes de
solidarité se complètent plutôt qu’elles ne s’opposent, existent dans chaque
société.
II-
Les principales instances d’intégration
A-
Le travail, parce qu’il donne une identité professionnelle, un revenu et
des droits sociaux est le pilier essentiel de l’intégration
Le travail est facteur d’intégration car :
-
Permet la création de liens sociaux, de relations
qui peuvent conduire à une solidarité mécanique basée sur une identité
professionnelle, une culture, des conditions de travail identiques. Aussi une
solidarité organique, chacun a rôle, se sent utile.
-
Il donne un revenu qui permet de participer à la
société de consommation et de faire comme les autres (solidarité
mécanique) mais aussi de s’en distinguer (Bourdieu/solidarité organique).
-
Donne des droits sociaux. En travaillant et en cotisant,
l’individu se protège contre les risques sociaux (maladie, chômage, vieillesse…) et est ainsi solidaire des autres.
Ces cotisations financent les allocations de ceux qui subissent un risque. Et
inversement, notre système de protection est dit solidaire.
B-
La famille, parce qu’elle transmet dès la naissance des normes et des
valeurs, et parce qu’elle est le lieu d’activités communes, a un rôle fondateur
dans l’intégration
La famille est facteur d’intégration parce qu’elle :
-
Transmet une socialisation, une culture aux enfants qui
sera partagée par tous les autres. Une solidarité mécanique apparaitra,
se développera : les individus partagent des valeurs, des normes, une langue
commune…
-
Elle est un lieu de partage, de temps passé ensemble.
Les activités pratiquées ensemble rapprochent les individus, créent des liens
affectifs qui rendent les individus solidaires (mécanique)
-
Elle est un lieu de solidarité organique puisque chacun a
un rôle à y jouer, des tâches particulières à effectuer (le père plus souvent le bricolage …)
C-
L’Ecole transmet une culture et des valeurs partagées et rend possible
l’intégration professionnelle
L’Ecole est facteur d’intégration parce que :
-
Elle est le lieu de socialisation primaire, des valeurs y
sont transmises à tous. De plus, elle transmet une Histoire, une langue
commune. Elle
est donc facteur de solidarité mécanique.
-
Elle délivre des diplômes aux plus méritants. Elle
permet donc l’intégration professionnelle, la reconnaissance d’une utilité
économique, sociale, professionnelle dans la société
-
Elle est un lieu de sociabilité : elle permet de
faire des rencontres, former des liens affectifs, un réseau qui amène à une
socialisation mécanique
D-
Par la citoyenneté, les individus sont reconnus comme membres de la
nation, disposant de droits et de devoirs identiques
La France cherche à faciliter
l’intégration des immigrés en leur donnant accès à une formation
linguistique, une reconnaissance de leurs qualifications. De plus,
les institutions leurs transmettent les valeurs et le mode de vie français afin
qu’ils partagent des points communs avec les individus de la société à laquelle
ils cherchent à s’intégrer.
Plus largement, la citoyenneté est la capacité des
individus à participer à la vie politique et à en respecter les droits et des
devoirs. Par le vote et le droit d’expression, les individus peuvent se
sentir membre d’une société. Nos devoirs communs font de nous des individus
égaux. La France cherche à intégrer les individus par leurs
ressemblances et à repousser les différences qui peuvent exister dans le
domaine privé. Elle a une vision universaliste de l’intégration (égalité entre
tous les Hommes).
è
La combinaison du rôle
de plusieurs des instances étudiées précédemment est nécessaire à
l’intégration. Elles se complètent et permettent généralement l’intégration.
Cependant, elles se trouvent toutes fragilisées depuis les années 1970/80 avec
la crise économique et la montée de l’individualisme.
III-
La crise du lien social dans la société
contemporaine
A-
Précarité et individualisme affaiblissent les instances d’intégration
1- Vers
la désacralisation du travail
Les souffrances psychiques au
travail semblent se multiplier ces dernières années (burnout, dépression, pression, harcèlement, isolement). Si la division
du travail est trop poussée, elle peut fragiliser le lien social. En
effet, en mettant les individus en compétition, en l’isolant (spécialisant
trop), en
affaiblissant la perception de leur utilité dans l’entreprise, la division du
travail peut fragiliser l’intégration.
Une division du travail trop poussée peut conduire à
l’anomie, c’est-à-dire l’absence de normes : l’individu ne
sait pas comment se comporter dans une situation nouvelle où il est isolé. Elle
peut conduire à des comportements anormaux (suicide).
La fonction intégratrice du travail est remise en
cause :
-
Pour les souffrances psychiques et physiques qu’elle
fait subir à l’individu
-
Pour le développement de la concurrence nationale et
internationale qui peut considérer les travailleurs comme une variable
d’ajustement
En 2007, 12.3% des emplois
étaient précaires,
aujourd’hui ce sont 14% des emplois (les
deux plus importants sont les CDD et les intérims). Au contraire du travail qui
peut intégrer, la précarité du travail peut conduire à une fragilisation de
l’intégration.
Avec un contrat court, l’individu
n’a pas le temps se de faire une place dans l’entreprise, de se faire
une identité professionnelle. Il ne se sentira pas solidaire des autres puisqu’il ne
partage pas les mêmes préoccupations.
La précarité conduit à des revenus
instables qui limitent sa consommation et ne lui permet pas de faire comme les
autres. La précarité ne permet pas la validation des droits sociaux, la
solidarité ne peut pas jouer entre les actifs ou entre actifs et inactifs.
Enfin, à côté de la précarité, certains actifs sont exclus du monde du travail : les
chômeurs. Le non travail n’est donc pas facteur d’intégration pour eux.
è
Au final, le travail
perd de sa valeur intégratrice pour tous. Celui-ci semble désacralisé : il
n’est plus perçu comme l’élément incontournable pour s’intégrer à une société.
D’autres instances peuvent compenser son manque (proches, associations).
2- La
montée de l’individualisme rend plus difficile le fonctionnement des instances
d’intégration sociale
Ø La famille
La famille semble être une instance
en crise (augmentation des
divorces, augmentation des familles monoparentales, baisse du nombre
d’enfants/famille, la taille de celle-ci est donc réduite) l’individu
solidaire de moins de personnes qu’avant. Par ailleurs, la diminution du
nombre de mariages, augmentation des naissances hors mariage montre que la famille se
désinstitutionnalise. Elle contraint de moins en moins l’individu dans
ses pratiques quotidiennes. Enfin, le temps passé en famille semble se réduire (plateaux repas, nouvelles technologies).
Tout cela montre une montée de l’individualisme dans la famille : la recherche de
l’épanouissement personnel est plus importante que la pérennité de
l’institution elle-même.
Ø L’Ecole
L’Ecole apparait elle aussi
fragilisée. Elle assure moins bien sa mission, le vivre ensemble (harcèlement, phobie scolaire,
déscolarisation). Elle se révèle inégalitaire et injuste, la culture qu’elle
transmet n’est pas comprise de la même manière par tous. Enfin, elle n’assure
pas l’intégration professionnelle pour tous. Le nombre de décrocheurs augmente ces
dernières années. L’Ecole ferait face au comportement calculateur des
élèves : ceux-ci sont prêts à travailler à partie du moment où cela
rapporte. L’Ecole est souvent perçue comme une contrainte. Au total, l’Ecole
serait elle aussi touchée par la hausse de l’individualisme. La recherche de
l’épanouissement personnel semble plus importante que les normes et les valeurs
que l’Ecole veut imposer.
Ø La citoyenneté
La citoyenneté semble également être
en crise (hausse de l’abstention,
replis sur la sphère privée, baisse du taux d’adhésion aux partis
politiques/syndicats, hausse des fraudes fiscales). Les devoirs
qu’impose la vie en démocratie semblent perdre de leur importance. Avec l’augmentation
des nouveaux modes de vie, l’individu se tourne vers la sphère privée et
délaisse peu à peu les problématiques collectives. C’est aussi une
conséquence de la montée de l’individualisme.
è
Toutes les instances
d’intégration apparaissent donc en crise. Cette vision pessimiste de
l’intégration peut aussi être remise en cause : les instances
s’adaptent à la société et continuent à jouer leurs rôles différents :
-
La hausse des familles recomposée peut être le
signe d’une recherche d’un groupe indispensable à l’épanouissement et montre la
volonté d’investir en temps, argent, amour
-
La citoyenneté n’apparait pas en crise :
développement de la participation au quotidien à travers des manifestations,
pétitions, développement de la vie associative.
B-
Quels défis pour nos sociétés ?
1- Pauvreté
et exclusion, les caractéristiques modernes de ma pauvreté entrainent souvent
l’exclusion, c’est-à-dire la rupture du lien social
La pauvreté
est la situation
dans laquelle un individu perçoit moins de 60% du revenu médian. A ce seuil, est
pauvre toute personne gagnant moins de 1000€ par mois. En France, 32.9%
des familles monoparentales étaient pauvres ainsi que 15.8% des personnes
seules de plus de 65ans. Aujourd’hui, 13.5% des Français (9 millions) sont
considérés comme pauvres.
Le profil des pauvres a donc
fortement évolué depuis les années 1960. Il s’agit de plus en plus de jeunes qui
connaissent une carrière professionnelle hachée (précarité, chômage). La pauvreté touche plus souvent les femmes, en
particulier les familles monoparentales.
La pauvreté trouve ses racines dans
le manque de travail et la précarité, elle conduit donc peu à peu à une rupture des
liens professionnels. Les pauvres ont également tendance à s’éloigner de
leurs relations amicales car ils ont très souvent honte de leur situation. Ils
ressentent
une inutilité sociale. L’intégration par les pairs devient plus
difficile. L’intégration familiale est elle aussi fragilisée : ce sont
parmi les couples de précaires et de chômeurs que les divorces sont les plus
importants. L’individu poursuit son replis sur soi à l’extrême, il ne demandera pas
l’aide de la société, il n’osera pas solliciter l’administration pour percevoir
un logement social.
Une bonne partie des pauvres de sont
pas des chômeurs de longue durée mais ont souvent un contrat précaire.
L’exclusion sociale n’arrive pas immédiatement après la perte d’emplois. C’est un
processus long de rupture des différents liens sociaux.
Cette problématique de l’exclusion remet plus largement en
cause la cohésion sociale en France. Des conflits sociaux émergent peu à peu
(médiatisation des SDF, « génération
précaire », squat d’immeubles).
Par ailleurs, une part importante des Français remet en cause l’aide
apportée aux chômeurs pauvres. Ils seraient des assistés qui ne cherchent pas à
travailler.
2- Universalisme,
communautarisme et cohésion sociale : de qui doit-on être
solidaire ?
Le modèle républicain français ne
reconnais pas les particularités culturelles des individus, celles-ci n’ont pas
le droit de s’afficher dans la sphère publique. En échange de ce
renoncement, la France leur promet l’intégration par l’Ecole (gratuite, laïque, obligatoire, égalitaire).
Les
individus n’ont donc pas le droit d’afficher ostensiblement leurs appartenances
religieuses à l’Ecole, dans les APU (le
port du voile est interdit à l’Ecole, dans les APU). De même, la
langue des APU est le français et aucune autre langue n’est acceptée.
L’enseignement des langues régionales et étrangères est très encadré.
Ce modèle français d’intégration
est appelée universalisme : les valeurs de la
France doivent permette l’intégration de tous sans que les particularités
s’affichent. L’idéologie universaliste doit libérer l’individu de ses attaches
culturelles mais puisqu’elle ne garantit pas à tous l’intégration, cette
idéologie tend à stigmatiser ceux qui ne parviennent pas à s’intégrer.
L’échec scolaire touche plus souvent les jeunes d’origine
étrangère, leur intégration est donc remise en cause alors même qu’ils
ont sacrifié leur particularisme. Une situation d’anomie émerge : le but
que la société leur fixe est inatteignable puisqu’ils n’ont pas les moyens d’y
parvenir (échec scolaire, chômage plus
important et vie communautaire réduire/interdite).
Pour s’intégrer, ces jeunes développent :
-
Le communautarisme, c’est-à-dire le repli sur sa
communauté, sur ceux qui nous ressemblent culturellement, religieusement.
Ils s’intègrent
par solidarité mécanique avec un groupe d’individu et pas la France dans son
ensemble. Ces revendications s’accroissent ces dernières années (problématiques halal dans les cantines,
végétalisme, burkini, émergence des chaines de télévision homosexuelles…)
-
Le développement de la délinquance des jeunes peut
aussi être perçu comme une réponse à la demande d’intégration de la société (trafics, vols)
permet de
consommer comme les autres et donc de s’intégrer.
è
Depuis les années
1970/80, les instances d’intégration se transforment et semblent se fragiliser.
Il devient de plus en plus difficile de s’intégrer par un part croissante
d’individus qui sont exclus progressivement de toute relation économique,
sociale, familiale, administrative… le deuxième danger qui guette nos sociétés
est celui du communautarisme. Il revient à la société d’imaginer les solutions
pour faciliter le vivre ensemble le plus rapidement possible.
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