jeudi 30 mars 2017

SES, Intégration, conflit et changement social, Quels liens sociaux dans les sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?, Terminale ES

Thème 5 : Intégration, conflit et changement social
Quels liens sociaux dans les sociétés où s’affirme le primat de l’individu ?
Société où l’individu a plus d’importance que les instances traditionnelles de l’intégration (famille, Eglise, relation de voisinage dans les petits villages).
Les liens sociaux sont les relations sociales qui cimentent une société. Ces liens permettent l’intégration sociale (capacité à se sentir membre d’une société).
I-                    Quelles formes de solidarité dans nos sociétés développées
Pour Durkheim, l’intégration peut se dérouler de deux manières : par la solidarité mécanique et par la solidarité organique.
A-     Solidarité mécanique : le lien peut se construire sur la ressemblance des individus
Pour se sentir solidaire les uns des autres, les individus doivent partager des points communs qui les rapprochent. En transmettant des valeurs, une culture, une langue, une Histoire commune. Une société cherche à faire ressortir les ressemblances entre les individus. Une solidarité va naître entre ceux-ci, elle sera plus forte qu’avec des étrangers qui ne partagent pas les mêmes choses. En faisant ressortir les points communs, la société limite les conflits et réduit la place de l’individu : le groupe est plus important, toute transgression sera (fortement) sanctionnée.
Cette solidarité est mécanique car comme les robots programmés pour réagir d’une certaine manière, les individus sont « programmés » à travers une Histoire… pour avoir les mêmes réactions en cas de changement de leur environnement.
B-     Solidarité organique : le lien peut se construire sur la complémentarité des individus
La conscience collective correspond aux sentiments, valeurs partagées par une société. Elle est conséquence d’une culture et d’une socialisation commune.
Dans la solidarité mécanique, celle-ci est plus forte que la conscience individuelle ce qui est la différence avec la solidarité organique : l’individu peut être un véritable acteur indépendant des instances.
La solidarité organique est basée sur les différences sociales et culturelles qui peuvent exister entre les membres d’une société. Ces différences vont les rendre complémentaires et donc solidaires. Chacun joue un rôle particulier dans la société et a besoin des autres pour s’y épanouir totalement. Cette solidarité provient essentiellement de la division sociale du travail : plus une société se complexifie, plus l’individu doit se spécialiser pour avoir une utilité aux yeux des autres. Cette division apparait dans l’entreprise mais aussi dans la famille (répartition des tâches). Comme les organes du corps humain, les individus sont différents mais complémentaires les uns des autres.
è Ces deux formes de solidarité se complètent plutôt qu’elles ne s’opposent, existent dans chaque société.

II-                  Les principales instances d’intégration
A-     Le travail, parce qu’il donne une identité professionnelle, un revenu et des droits sociaux est le pilier essentiel de l’intégration
Le travail est facteur d’intégration car :
-          Permet la création de liens sociaux, de relations qui peuvent conduire à une solidarité mécanique basée sur une identité professionnelle, une culture, des conditions de travail identiques. Aussi une solidarité organique, chacun a rôle, se sent utile.
-          Il donne un revenu qui permet de participer à la société de consommation et de faire comme les autres (solidarité mécanique) mais aussi de s’en distinguer (Bourdieu/solidarité organique).
-          Donne des droits sociaux. En travaillant et en cotisant, l’individu se protège contre les risques sociaux (maladie, chômage, vieillesse…) et est ainsi solidaire des autres. Ces cotisations financent les allocations de ceux qui subissent un risque. Et inversement, notre système de protection est dit solidaire.

B-     La famille, parce qu’elle transmet dès la naissance des normes et des valeurs, et parce qu’elle est le lieu d’activités communes, a un rôle fondateur dans l’intégration
La famille est facteur d’intégration parce qu’elle :
-          Transmet une socialisation, une culture aux enfants qui sera partagée par tous les autres. Une solidarité mécanique apparaitra, se développera : les individus partagent des valeurs, des normes, une langue commune…
-          Elle est un lieu de partage, de temps passé ensemble. Les activités pratiquées ensemble rapprochent les individus, créent des liens affectifs qui rendent les individus solidaires (mécanique)
-          Elle est un lieu de solidarité organique puisque chacun a un rôle à y jouer, des tâches particulières à effectuer (le père plus souvent le bricolage …)

C-     L’Ecole transmet une culture et des valeurs partagées et rend possible l’intégration professionnelle
L’Ecole est facteur d’intégration parce que :
-          Elle est le lieu de socialisation primaire, des valeurs y sont transmises à tous. De plus, elle transmet une Histoire, une langue commune. Elle est donc facteur de solidarité mécanique.
-          Elle délivre des diplômes aux plus méritants. Elle permet donc l’intégration professionnelle, la reconnaissance d’une utilité économique, sociale, professionnelle dans la société
-          Elle est un lieu de sociabilité : elle permet de faire des rencontres, former des liens affectifs, un réseau qui amène à une socialisation mécanique

D-     Par la citoyenneté, les individus sont reconnus comme membres de la nation, disposant de droits et de devoirs identiques
La France cherche à faciliter l’intégration des immigrés en leur donnant accès à une formation linguistique, une reconnaissance de leurs qualifications. De plus, les institutions leurs transmettent les valeurs et le mode de vie français afin qu’ils partagent des points communs avec les individus de la société à laquelle ils cherchent à s’intégrer.
Plus largement, la citoyenneté est la capacité des individus à participer à la vie politique et à en respecter les droits et des devoirs. Par le vote et le droit d’expression, les individus peuvent se sentir membre d’une société. Nos devoirs communs font de nous des individus égaux. La France cherche à intégrer les individus par leurs ressemblances et à repousser les différences qui peuvent exister dans le domaine privé. Elle a une vision universaliste de l’intégration (égalité entre tous les Hommes).
è La combinaison du rôle de plusieurs des instances étudiées précédemment est nécessaire à l’intégration. Elles se complètent et permettent généralement l’intégration. Cependant, elles se trouvent toutes fragilisées depuis les années 1970/80 avec la crise économique et la montée de l’individualisme.

III-                La crise du lien social dans la société contemporaine
A-     Précarité et individualisme affaiblissent les instances d’intégration
1-      Vers la désacralisation du travail
Les souffrances psychiques au travail semblent se multiplier ces dernières années (burnout, dépression, pression, harcèlement, isolement). Si la division du travail est trop poussée, elle peut fragiliser le lien social. En effet, en mettant les individus en compétition, en l’isolant (spécialisant trop), en affaiblissant la perception de leur utilité dans l’entreprise, la division du travail peut fragiliser l’intégration.
Une division du travail trop poussée peut conduire à l’anomie, c’est-à-dire l’absence de normes : l’individu ne sait pas comment se comporter dans une situation nouvelle où il est isolé. Elle peut conduire à des comportements anormaux (suicide).
La fonction intégratrice du travail est remise en cause :
-          Pour les souffrances psychiques et physiques qu’elle fait subir à l’individu
-          Pour le développement de la concurrence nationale et internationale qui peut considérer les travailleurs comme une variable d’ajustement
En 2007, 12.3% des emplois étaient précaires, aujourd’hui ce sont 14% des emplois (les deux plus importants sont les CDD et les intérims). Au contraire du travail qui peut intégrer, la précarité du travail peut conduire à une fragilisation de l’intégration.
Avec un contrat court, l’individu n’a pas le temps se de faire une place dans l’entreprise, de se faire une identité professionnelle. Il ne se sentira pas solidaire des autres puisqu’il ne partage pas les mêmes préoccupations.
La précarité conduit à des revenus instables qui limitent sa consommation et ne lui permet pas de faire comme les autres. La précarité ne permet pas la validation des droits sociaux, la solidarité ne peut pas jouer entre les actifs ou entre actifs et inactifs. Enfin, à côté de la précarité, certains actifs sont exclus du monde du travail : les chômeurs. Le non travail n’est donc pas facteur d’intégration pour eux.
è Au final, le travail perd de sa valeur intégratrice pour tous. Celui-ci semble désacralisé : il n’est plus perçu comme l’élément incontournable pour s’intégrer à une société. D’autres instances peuvent compenser son manque (proches, associations).

2-      La montée de l’individualisme rend plus difficile le fonctionnement des instances d’intégration sociale

Ø  La famille
La famille semble être une instance en crise (augmentation des divorces, augmentation des familles monoparentales, baisse du nombre d’enfants/famille, la taille de celle-ci est donc réduite) l’individu solidaire de moins de personnes qu’avant. Par ailleurs, la diminution du nombre de mariages, augmentation des naissances hors mariage montre que la famille se désinstitutionnalise. Elle contraint de moins en moins l’individu dans ses pratiques quotidiennes. Enfin, le temps passé en famille semble se réduire (plateaux repas, nouvelles technologies). Tout cela montre une montée de l’individualisme dans la famille : la recherche de l’épanouissement personnel est plus importante que la pérennité de l’institution elle-même.
Ø  L’Ecole
L’Ecole apparait elle aussi fragilisée. Elle assure moins bien sa mission, le vivre ensemble (harcèlement, phobie scolaire, déscolarisation). Elle se révèle inégalitaire et injuste, la culture qu’elle transmet n’est pas comprise de la même manière par tous. Enfin, elle n’assure pas l’intégration professionnelle pour tous. Le nombre de décrocheurs augmente ces dernières années. L’Ecole ferait face au comportement calculateur des élèves : ceux-ci sont prêts à travailler à partie du moment où cela rapporte. L’Ecole est souvent perçue comme une contrainte. Au total, l’Ecole serait elle aussi touchée par la hausse de l’individualisme. La recherche de l’épanouissement personnel semble plus importante que les normes et les valeurs que l’Ecole veut imposer. 
Ø  La citoyenneté
La citoyenneté semble également être en crise (hausse de l’abstention, replis sur la sphère privée, baisse du taux d’adhésion aux partis politiques/syndicats, hausse des fraudes fiscales). Les devoirs qu’impose la vie en démocratie semblent perdre de leur importance. Avec l’augmentation des nouveaux modes de vie, l’individu se tourne vers la sphère privée et délaisse peu à peu les problématiques collectives. C’est aussi une conséquence de la montée de l’individualisme.

è Toutes les instances d’intégration apparaissent donc en crise. Cette vision pessimiste de l’intégration peut aussi être remise en cause : les instances s’adaptent à la société et continuent à jouer leurs rôles différents :
-          La hausse des familles recomposée peut être le signe d’une recherche d’un groupe indispensable à l’épanouissement et montre la volonté d’investir en temps, argent, amour
-          La citoyenneté n’apparait pas en crise : développement de la participation au quotidien à travers des manifestations, pétitions, développement de la vie associative.

B-     Quels défis pour nos sociétés ?
1-      Pauvreté et exclusion, les caractéristiques modernes de ma pauvreté entrainent souvent l’exclusion, c’est-à-dire la rupture du lien social

La pauvreté est la situation dans laquelle un individu perçoit moins de 60% du revenu médian. A ce seuil, est pauvre toute personne gagnant moins de 1000€ par mois. En France, 32.9% des familles monoparentales étaient pauvres ainsi que 15.8% des personnes seules de plus de 65ans. Aujourd’hui, 13.5% des Français (9 millions) sont considérés comme pauvres.
Le profil des pauvres a donc fortement évolué depuis les années 1960. Il s’agit de plus en plus de jeunes qui connaissent une carrière professionnelle hachée (précarité, chômage). La pauvreté touche plus souvent les femmes, en particulier les familles monoparentales.
La pauvreté trouve ses racines dans le manque de travail et la précarité, elle conduit donc peu à peu à une rupture des liens professionnels. Les pauvres ont également tendance à s’éloigner de leurs relations amicales car ils ont très souvent honte de leur situation. Ils ressentent une inutilité sociale. L’intégration par les pairs devient plus difficile. L’intégration familiale est elle aussi fragilisée : ce sont parmi les couples de précaires et de chômeurs que les divorces sont les plus importants. L’individu poursuit son replis sur soi à l’extrême, il ne demandera pas l’aide de la société, il n’osera pas solliciter l’administration pour percevoir un logement social.
Une bonne partie des pauvres de sont pas des chômeurs de longue durée mais ont souvent un contrat précaire. L’exclusion sociale n’arrive pas immédiatement après la perte d’emplois. C’est un processus long de rupture des différents liens sociaux.
Cette problématique de l’exclusion remet plus largement en cause la cohésion sociale en France. Des conflits sociaux émergent peu à peu (médiatisation des SDF, « génération précaire », squat d’immeubles).
Par ailleurs, une part importante des Français remet en cause l’aide apportée aux chômeurs pauvres. Ils seraient des assistés qui ne cherchent pas à travailler.

2-      Universalisme, communautarisme et cohésion sociale : de qui doit-on être solidaire ? 
Le modèle républicain français ne reconnais pas les particularités culturelles des individus, celles-ci n’ont pas le droit de s’afficher dans la sphère publique. En échange de ce renoncement, la France leur promet l’intégration par l’Ecole (gratuite, laïque, obligatoire, égalitaire). Les individus n’ont donc pas le droit d’afficher ostensiblement leurs appartenances religieuses à l’Ecole, dans les APU (le port du voile est interdit à l’Ecole, dans les APU). De même, la langue des APU est le français et aucune autre langue n’est acceptée. L’enseignement des langues régionales et étrangères est très encadré.
Ce modèle français d’intégration est appelée universalisme : les valeurs de la France doivent permette l’intégration de tous sans que les particularités s’affichent. L’idéologie universaliste doit libérer l’individu de ses attaches culturelles mais puisqu’elle ne garantit pas à tous l’intégration, cette idéologie tend à stigmatiser ceux qui ne parviennent pas à s’intégrer.
L’échec scolaire touche plus souvent les jeunes d’origine étrangère, leur intégration est donc remise en cause alors même qu’ils ont sacrifié leur particularisme. Une situation d’anomie émerge : le but que la société leur fixe est inatteignable puisqu’ils n’ont pas les moyens d’y parvenir (échec scolaire, chômage plus important et vie communautaire réduire/interdite).

Pour s’intégrer, ces jeunes développent :
-          Le communautarisme, c’est-à-dire le repli sur sa communauté, sur ceux qui nous ressemblent culturellement, religieusement. Ils s’intègrent par solidarité mécanique avec un groupe d’individu et pas la France dans son ensemble. Ces revendications s’accroissent ces dernières années (problématiques halal dans les cantines, végétalisme, burkini, émergence des chaines de télévision homosexuelles…)
-          Le développement de la délinquance des jeunes peut aussi être perçu comme une réponse à la demande d’intégration de la société (trafics, vols) permet de consommer comme les autres et donc de s’intégrer


è Depuis les années 1970/80, les instances d’intégration se transforment et semblent se fragiliser. Il devient de plus en plus difficile de s’intégrer par un part croissante d’individus qui sont exclus progressivement de toute relation économique, sociale, familiale, administrative… le deuxième danger qui guette nos sociétés est celui du communautarisme. Il revient à la société d’imaginer les solutions pour faciliter le vivre ensemble le plus rapidement possible. 

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