La liberté
La liberté est un mot dangereux,
c’est plus une émotion qu’une analyse intellectuelle, on utilise souvent ce
terme sans vraiment le comprendre.
I-
Le problème du libre arbitre
A-
Qu’est-ce que le libre arbitre
Le libre arbitre doit se comprendre comme une forme métaphysique de liberté
intérieure, psychologique, venant de soi-même et notamment de la
faculté que l’on appelle la volonté qui est la capacité à déterminer soi-même
ses actions.
« Puissance d’agir, sans autre cause que l’existence
même de cette puissance, sans aucune raison relative au contenu de l’acte
accompli » Lalande.
« Commencer par soi-même une série de
changements » Kant.
B-
Le statut de la volonté
Cette puissance
d’agir librement viendrait de la volonté. Mais est-ce que la volonté
humaine est libre, auto-déterminante ou non ? Les partisans du
libre arbitre pensent que nous pouvons vouloir certaines choses juste parce que
nous les avons voulues. Ceux qui ne croient pas au libre arbitre,
les déterministes, pensent que la volonté est forcément déterminée par
des motifs et donc par des causes extérieures à la volonté.
C-
Nécessité, contingence et principe de raison suffisante
Ou bien
notre volonté
est déterminée par des motifs, et alors les différentes volitions (acte
par lequel la volonté se détermine) qui se succèdent dans notre conscience sont
nécessaires ou bien notre volonté peut se déterminer elle-même, alors
les différentes volitions qui se succèdent dans notre conscience sont
contingentes (aurait pu être autrement).
Le libre arbitre
viole le principe de raison suffisante qui est le fait que tout
est déterminé par des raisons. Si l’hypothèse du libre arbitre est vraie,
il faudrait alors admettre que le principe de raison tolère des exceptions puisque
cela implique que l’Homme serait capable d’être indépendant de ce principe afin de
pouvoir agir en dépassant les causes diverses qui le déterminent.
Notre
volonté peut-elle se déterminer elle-même, indépendamment de toute raison
suffisante donnée, c’est-à-dire indépendamment de tout motif extérieur à
elle-même ?
D-
Examen critique des arguments les plus importants en faveur du libre
arbitre
1- Argument
théologique
L’existence du libre arbitre
justifie l’existence du mal. Dieu ne voulait pas créer un monde où la perfection
et le Bien soient acquis immédiatement et sans efforts, il faut au contraire,
que les hommes méritent leur salut, non qu’ils l’obtiennent passivement. Il nous laisse
le choix du Bien et du Mal.
Mais si
l’on n’est
pas religieux, tout le raisonnement perd sa validité.
2- Argument
de l’évidence
Descartes a
essayé de justifier la croyance au libre arbitre par un argument très
simple : l’évidence intuitive de notre liberté. Nous sentons que nous sommes
libres.
Mais le
sentiment d’évidence ne prouve rien. Ce n’est pas parce que j’ai l’impression d’être libre
que je le suis. « Descartes a logé la vérité à l’hôtel de
l’évidence, mais il a négligé de nous en donner l’adresse » Leibniz.
3- Argument
existentialiste
La conscience, en
faisant de nous des « êtres pour soi », nous donne la capacité de
néantiser nos déterminations.
Mais il n’y
a pas
vraiment d’arguments solides à propos des existentialistes (Sartres).
4- Argument
moral
Si les
hommes ne choisissent pas librement leurs actions, il faudrait admettre que les
notions de Bien et de mal, de culpabilité et de mérite ne sont pas valides. L’Homme ressent
un inexpugnable besoin de juger son semblable. La croyance à la
liberté de la volonté est nécessaire pour légitimer le jugement moral donc le
libre arbitre doit exister.
Mais la
faiblesse logique de cet argument saute aux yeux : ce n’est pas parce que j’ai
besoin de quelque chose que cette chose existe pour autant. Cet argument
ne fait que donner l’illusion de la nécessité du libre arbitre.
E-
Réfutation du libre arbitre et affirmation du déterminisme
Pour des
déterministes comme Diderot, Nietzsche ou Spinoza il faut être conséquent et assumer les
conséquences de la vérité du déterminisme : refuser de juger les
hommes et admettre l’idée belle mais difficile à admettre que le monde tout
entier est innocent par-delà le Bien et le Mal.
F-
La liberté spinoziste : comprendre la nécessité
« La liberté ne supprime pas mais pose au contraire la
nécessité de l’action » Spinoza.
L’homme peut par la raison s’élever
à davantage de liberté en connaissant mieux le monde et surtout la nature
humaine. L’homme libre et heureux, c’est le sage qui connaît la
nécessité des évènements et qui ne se laisse pas abuser par le vain mirage du
libre arbitre.
II-
Le problème social de la liberté
A-
La liberté n’est pas licence
On ne doit jamais confondre la liberté
avec la licence (le fait de faire ce que l’on veut).
« L’indépendance par rapport à la volonté arbitraire
d’un autre » Hayek.
B-
Pas de liberté sans interdits
Raymond Aron différencie trois
types d’interdits différents :
-
Les interdits posés par l’Etat (institutions étatiques).
-
Les interdits posés par la société (condamné par une communauté selon
les mœurs).
-
Les interdits intérieurs (proviennent de notre conscience morale et
correspondent à des normes sociales intériorisées).
La mise en place
de ces interdits permet de faire apparaître un certain nombre de libertés
prenant la forme de droits comme le droit à la sureté, sécurité. Mais d’autres droits
font plus débat (drogue,
prostitution, travail le dimanche…).
C-
La liberté par le respect de la loi (Rule of Law)
Rousseau est célèbre pour avoir lié
conceptuellement liberté et obéissance à la loi dans la formule : « La liberté c’est l’obéissance à
la loi que l’on s’est prescrite ».
« Obéissance qui ne signifie pas servitude »
Aron.
Mais la loi de l’Etat peut s’avérer
contraire à la justice et la désobéissance semble nécessaire.
D- La conception positive et négative
de la liberté par Isaiah Berlin
Liberté
négative : individu est libre d’agir selon ses propres plans
sans subir de coercition. Conception
politiquement libérale, diminution des interdits provenant de l’Etat.
Liberté
positive : on estime que l’Homme n’est véritablement libre que
lorsqu’il se comporte conformément à l’idéal de ce qu’il devrait être.
Conception politiquement socialiste. L’Etat prend des mesures pour empêcher ou
dissuader certains comportements contraires à l’idéal que l’on se fait de
l’Homme.
E-
L’égalité contre la liberté
L’expérience
nous a montré qu’une société ne peut pas nous promettre et la totale liberté et la
totale égalité puisque l’égalité entraine l’accroissement du rôle de
l’Etat ce qui conduit à une diminution des libertés.
« Les législateurs ou les révolutionnaires qui
promettent en même temps l’égalité et la liberté sont des illuminés ou des
charlatans » Goethe.
De la démocratie en Amérique – Tocqueville.
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