lundi 23 janvier 2017

SES, Thème 2 : Classes, stratification et mobilité sociale, Comment rendre compte de la mobilité sociale ?, Terminale ES

Thème 2 : Classes, stratification et mobilité sociale
Chapitre 4 : Comment rendre compte de la mobilité sociale ?
I-                   Comment mesurer la mobilité ?

A-    Quelles mobilités ?
1-      La mobilité géographique
La mobilité géographique est le changement de résidence au moins départemental durant la carrière professionnelle d’un individu.
35% des cadres en 2003 avaient changé de région entre la fin de leurs études et leur 1er emploi contre seulement 8% des ouvriers qualifiés. Les catégories les plus mobiles sont les catégories favorisées (cadres, PI, chefs d’entreprises). Cette mobilité peut s’expliquer par des raisons professionnelles. Les meilleures offres d’emplois se trouvent dans les régions les plus attractives, les plus dynamiques qui ne sont pas forcément celles où ils ont fait leurs études. Par ailleurs, leurs longues études leurs ont permis d’acquérir une ouverture d’esprit qui ne les contraint pas à rester dans leur département.
2-      La mobilité intragénérationnelle  
La mobilité intergénérationnelle mesure la mobilité professionnelle des individus durant leur carrière, c’est-à-dire les changements de PCS qu’ils ont pu connaître. Cette mobilité intergénérationnelle est particulièrement importante en début de carrière où l’individu peut chercher à évoluer rapidement dans la hiérarchie.
3-      La mobilité intergénérationnelle
La mobilité intergénérationnelle mesure la mobilité professionnelle des individus entre deux générations ou plus, c’est-à-dire les changements de PCS qu’il y a pu y avoir entre un individu et ses parents.  On distingue deux formes de mobilités intergénérationnelles en fonction du sens de lecture de celle-ci :
-          Destinée : des parents vers les enfants
-          Recrutement / origine : des enfants vers les parents
Une table de destinée cherche à savoir ce que sont devenus les enfants des actifs d’hier. Une table de recrutement cherche à savoir d’où viennent les actifs d’aujourd’hui.
L’égalité des chances pourrait se mesurer à travers des destinées proches des enfants d’ouvriers et de cadres.
B-    Les limites des tables de mobilité intergénérationnelle
Plusieurs limites aux tables de mobilités peuvent être présentées :
-          La mobilité est fonction du nombre de catégories distinguées. Plus il y aura de catégorie, plus les fils auront de chances d’être mobile par rapport à leur parents et inversement. La mobilité objective semble difficile à mesurer.
-          La mobilité des femmes est mal mesurée. Les tables Mère/fils/fille ne sont pour l’heure pas assez pertinentes puisqu’une partie des mères n’a pas travaillé. La mesure sera mobilité sera essentiellement masculine.
-          La valeur sociale, le prestige associé au métier peut évoluer dans le temps. Un métier classé dans la catégorie « cadre » peut perdre de son prestige. C’est comme si un enfant immobile en terme de PCS chutait dans la hiérarchie de prestige.
-          La mobilité sociale mesure une mobilité passée puisqu’elle discute d’actif d’au moins 40 ans et de leur parents (càd nos parents, grands-parents). Elle ne dit rien sur la mobilité actuelle.

è Les tables de mobilités présentent des limites, elles ne sont pas un outil parfait. Cependant, elles révèlent des infos pertinentes sur l’évolution de la structure socio-professionnelle et le degré d’égalité des chances qui existe dans notre société.

II-                Quelle mobilité sociale en France aujourd’hui ?
A-    Une société marquée par une forte immobilité…
Sur la diagonale d’une table de destinée se trouvent les fils qui sont classés dans la même PCS que leurs pères. La mobilité intergénérationnelle est nulle, on parle d’immobilité sociale, reproduction sociale, hérédité sociale.
L’immobilité sociale est très importante pour les extrêmes de la hiérarchie sociale. Pour les autres PCS, l’immobilité est plus faible mais reste importante puisque 1/3 des fils de PI deviendront PI et 1/5 des fils d’agriculteurs, artisans le deviendront à leur tour. Par ailleurs, 88% des agriculteurs d’aujourd’hui avaient des parents agriculteurs (se transmet de génération en génération).
è Au final, 33% des fils seront immobiles par rapport à leur père toute PCS confondue. L’immobilité est importante en France aujourd’hui.

B-     …mais aussi par une mobilité de proximité
La mobilité est généralement ascendante, la position sociale du fils s’améliore par rapport à celle du père. Elle est aussi descendante, la position sociale du fils se dégrade par rapport à celle du père.
L’essentiel de la mobilité est une mobilité de proximité (ascendante ou descendante). Les fils changent de PCS par rapport à leur père d’une seule PCS ou d’une PCS proche. A l’inverse, passer d’un extrême à l’autre de la hiérarchie est rare. La mobilité peut être horizontale lorsque le fils change de PCS par rapport à son père mais que le prestige social associé à cette nouvelle PCS n’augmente pas (ouvrier/employé).
C-    Une société de plus en plus mobile ?
Il semblerait que de 1977 à 2003, la mobilité sociale soit un peu plus importante puisque les chiffres de la diagonale ont eu tendance à diminuer. De moins en moins de fils d’ouvriers deviennent ouvriers. Les fils d’ouvriers ont 1.5 fois plus de chance de devenir ouvrier qu’un autre fils en 1977 alors qu’en 2003, ce rapport ne vaut plus que 1.35.
Cependant, cette amélioration est relative. La situation des enfants d’ouvriers tend à ne pas s’améliorer. De 1993 à 2003, l’immobilité sociale a très peu diminuée et c’est surtout à la fin des 30 glorieuses que leur position sociale s’est améliorée (forte baisse de l’immobilité), la mobilité est passée. De plus, si un individu est enfant d’ouvrier, il a en 2003 4.6 fois plus de chances de devenir ouvrier plutôt que cadre. Ce chiffre reste très élevé, l’immobilité sociale reste marquée dans cette catégorie.
è La société française semble de plus en plus mobile mais l’essentiel de cette mobilité est terminée. La position des enfants d’ouvriers s’est fortement améliorée mais leur origine sociale constitue toujours un poids limitant leur progression dans la hiérarchie.


III-              Quels sont les déterminants de la mobilité sociale ?
A-    Le rôle des structures économiques : l’évolution des emplois offerts impose une certaine mobilité sociale
Les enfants d’agriculteurs deviennent de moins en moins agriculteurs et de plus en plus souvent ouvriers. Mais les agriculteurs d’aujourd’hui sont majoritairement enfants d’agriculteurs. La mobilité des agriculteurs est donc largement subie, imposée par les transformations de notre économie. Les agriculteurs sont plus productifs, moins d’agriculteurs sont nécessaires à l’heure actuelle. Même s’ils le voulaient, tous les enfants d’agriculteurs ne pourraient le devenir aujourd’hui.  
La mobilité structurelle est la mobilité qui s’explique par les changements de structure économique que connait un pays. Elle n’est pas choisie par les individus mais contrainte par l’évolution des emplois offerts au cours du temps :
-          Le pt dans l’agriculture : de moins en moins d’agriculteurs sont nécessaires (16% en 1997, 4% en 2003).
-          Le pt dans l’industrie : désindustrialisation et de moins en moins d’ouvriers (43% en 1997, 34% en 2003).
-          Tertiarisation de l’économie : augmentation des emplois de cadres/PI/employés.
Le développement de l’immigration d’une génération à l’autre aurait des conséquences sur la mobilité des enfants français en fonction du profil des immigrés. S’ils sont moins qualifiés que les Français, ils occuperont des emplois d’ouvriers/employés obligeant les enfants français à être mobiles et inversement si les immigrés sont plus qualifiés.
è La mobilité structurelle traduit une mobilité subie par les individus. La mobilité voulue, choisie s’appelle fluidité sociale, elle traduit la mobilité qui ne s’explique pas par les changements de structure mais soit par l’individu lui-même, soit par les agents permettant son intégration professionnelle.

B-    Le rôle de l’Ecole : facteur de mobilité et d’immobilité à la fois
1-      Le diplôme plus fort que l’origine sociale
En 2002, environ 82% des diplômés supérieur long, enfants d’enseignant ou cadre, ont eu accès à une profession supérieure, 76% pour les enfants d’ouvriers. On en conclue que le diplôme obtenu par un individu joue un rôle plus important dans sa destinée professionnelle que son origine sociale. S’il est diplômé, un enfant de catégorie modeste a quasiment autant de chance de devenir cadre qu’un enfant de catégorie supérieure.
L’Ecole semble être au cœur de la mobilité sociale en permettant à tous les enfants de réussir, elle gomme les inégalités d’origine sociale et limite la reproduction sociale. Elle parvient à faire progresser les plus modestes en étant obligatoire, la même pour tous et gratuite. Les diplômes ne sont pas délivrés en fonction du milieu de naissance d’un individu mais en fonction de son mérite, ses efforts. L’Ecole française est une école méritocratique.
2-      L’Ecole favorise la reproduction sociale
Pour Bourdieu, l’Ecole est facteur d’immobilité sociale puisqu’elle transmet un capital culturel plus proche de celui des catégories favorisées que des catégories populaires. Les thématiques abordées en classe sont plus familières aux enfants de cadres qu’aux enfants d’ouvriers, ils réussiront mieux à l’école.
De plus, en s’adressant à tous de la même manière, l’Ecole renforce ces inégalités et ne permet pas aux enfants de catégories populaires de rattraper leur retard. L’Ecole n’atteint pas l’objectif qu’elle se fixe, l’égalité des chances. Elle est donc critiquable.
Par ailleurs, les diplômes délivrés par l’Ecole ne sont pas utilisés de la même manière par toutes les catégories sociales. Les enfants de catégories supérieures pourront profiter plus facilement du capital social, des relations humaines dont disposent leurs parents pour faire des études ambitieuses et/ou trouver un bon emploi. Un même diplôme ne conduira pas aux mêmes emplois selon l’origine sociale.
L’Ecole n’est pas complètement gratuite, reste à la charge des parents les manuels scolaires, la cantine, les transports, les frais d’inscription…
è On ne peut pas vraiment parler de démocratisation scolaire aujourd’hui. L’Ecole s’est massifiée (de plus en plus d’enfants vont à l’Ecole et de plus en plus longtemps) mais l’orientation scolaire reste très dépendante du milieu d’origine.

3-      La peur du déclassement
Le déclassement est la perte de valeur des diplômes au cours du temps du fait de la massification scolaire. Il faut de plus en plus de diplômes pour atteindre les mêmes postes qu’avant. Ce déclassement conduit au paradoxe d’Anderson, c’est-à-dire à la situation où les enfants, ayant plus de diplômes que leurs parents, occupent des emplois moins valorisés qu’eux.
Puisque de plus en plus de jeunes sont diplômés et que le nombre d’emplois qualifiés augmente moins vite, les employeurs tendent à élever leurs exigences et à recruter des personnes surdiplômées. Le rendement scolaire d’un diplôme désigne l’efficacité avec laquelle il permet d’atteindre l’emploi souhaité.
Les emplois d’encadrement ont tendance à augmenter depuis les années 1980, de plus en plus sont ouverts aux jeunes après la fin de leurs études. Mais pour atteindre ces postes, il faut être de plus en plus diplômé. Avec le même diplôme que dans les années 1980, il est plus difficile aujourd’hui d’occuper ces emplois. 
è Le diplôme continue à être la meilleure protection contre le chômage et la précarité : plus un individu est diplômé, moins il a de risques d’être au chômage. Cependant, les diplômes tendent à perdre de leur valeur. Ils continuent à protéger du déclassement mais de moins en moins fortement. Ce qui pousse les jeunes à poursuivre leurs études.

C-    Le rôle de la famille : stratégies familiales et réussites paradoxales
1-      Les stratégies familiales expliquent la persistance des inégalités scolaires et l’immobilité sociale selon Boudon
Poursuivre ses études donne plusieurs avantages : occuper un emploi valorisé, gagner plus d’argent, être mieux protégé contre le chômage. Cependant, poursuivre ses études a aussi des coûts financiers, temporels (ne pas travailler c’est ne pas gagner d’argent).
Pour Boudon, chaque famille va effectuer un calcul coûts/avantages pour connaître l’opportunité de poursuivre ses études ou non. Pour Boudon, ce calcul coûts/avantages débouche :
-          Pour les familles populaires, les coûts sont supérieurs aux avantages. Ces enfants s’orienteront vers des études courtes.
-          Pour les familles favorisées, les avantages seront supérieurs aux coûts, les enfants s’orienteront vers des études longues.
De plus, Bourdon estime que les motivations à poursuivre les études sont plus fortes pour les enfants de catégories supérieures (faire au moins aussi bien que les parents) que pour les enfants de catégories populaires (plus facile d’atteindre un diplôme égal ou supérieur à celui des parents puisqu’ils n’en ont pas ou peu).
Le système scolaire français propose très tôt des orientations, options qui vont démultiplier les écarts entre les élèves qui choisissent « bien » et ceux qui choisissent « mal ». Les parents qui eux-mêmes auront fait des études pourront conseiller tel ou tel choix (latin, section européenne, bilingue…). Les enfants de milieux favorisés se retrouvent donc plus souvent dans de bonnes classes, bons établissements, bonnes filières…
Enfin Bourdieu, à travers la notion de capacité économique montre qu’il sera plus aisé pour les familles favorisées de payer les poursuites d’études de leurs enfants ce qui leur permet d’envisager des études longues à l’inverse des milieux défavorisées.
2-      Les réussites paradoxales existent cependant
Un individu peut chercher à quitter son groupe d’appartenance en adoptant les codes et comportements d’un groupe de référence qu’il juge supérieurs. Il modifie donc son logement, sa tenue vestimentaire, adopte une culture favorisée…
Ce processus se nomme socialisation anticipatrice. Celle-ci pourra lui permettre de progresser dans la hiérarchie en adoptant petit à petit les comportements que l’Ecole, la société attend de l’individu. Un enfant de milieu populaire peut donc progresser dans la hiérarchie : son origine sociale va le pousser à faire des efforts pour en sortir.
è La mobilité sociale en France existe même si elle reste limitée. Les positions sociales ne sont pas héréditaires. Plusieurs facteurs à cette mobilité existent : l’évolution des structures économiques, l’Ecole et la famille. Mais ces deux dernières peuvent aussi être un poids qui renforce l’immobilité sociale.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire