Les
espaces maritimes, approche
géostratégique
Le classement des principaux
ports de la planète a beaucoup évolué depuis 40 ans. Alors qu’autrefois les
plus grands ports étaient européens,
aujourd’hui, ce sont ceux du littoral chinois, comme Ningbo ou Shanghai, qui
occupent les premières places du classement. En effet, les ports sont le point
de départ et d’arrivée des porte-conteneurs, qui sillonnent les espaces
maritimes. Il est vrai que les mers et les océans représentent 90% des échanges mondiaux et ils sont devenus un théâtre majeur de la mondialisation,
la mondialisation étant un processus de mise en relation du monde par
l’intensification des flux. Ces flux
engendrent une intégration
différentiée des territoires dans un monde de plus en plus interdépendant. Nous
pouvons alors nous interroger sur les intérêts géostratégiques des mers, dans
un monde de plus en plus instable et de plus en plus mondialisé. Pourquoi les
espaces maritimes voient-ils leur importance s’accroître avec la
mondialisation ?
Après
avoir vu que la mondialisation avait valorisé
les espaces maritimes, nous verrons que ceux-ci sont convoités à cause de leurs
nombreuses richesses. Ces convoitises suscitent des tensions qui seront
évoquées dans une 3° partie.
I-
Les espaces
maritimes valorisés par la mondialisation
A-
Des enjeux commerciaux
Tout d’abord,
rappelons les enjeux commerciaux
des espaces maritimes : les mers totalisent
près de 90% des échanges internationaux, notamment au niveau des
échanges d’énergie, de matières agricoles et de matières premières.
Bon schéma de compo à reproduire p.
155 schéma n°1
Les océans sont
empruntées par des centaines de pétroliers (+ de 3000), de méthaniers (1500),
de vraquiers, de porte-conteneurs (4700). "Grande route du transport
maritime" ou "autoroute maritime", qui relie les principaux
pôles de la mondialisation (Asie de l’Est, Europe et Amérique du Nord) entre
eux. Cette route permet un développement
de façades littorales majeures qui réalisent de gros investissements portuaires
pour rester compétitives : ces villes portuaires se
sont donc équipées de ports en eaux profondes avec des plateformes multimodales. Les ports
qui ont réussi leur mutation sont
devenus des métropoles majeures de la mondialisation : c’est le cas de Ningbo,
Shanghai, Singapour et Qindao, en Asie de l’Est, qui sont devenus les 4 plus
grands ports du monde. A l'inverse, Marseille, paralysée par des grèves à répétition, a perdu le
statut de grand port qu'elle détenait autrefois. La France mise à présent avant
tout sur son port du Havre (modernisé dans
le cadre du grand projet : « Le Havre 2000 ») pour attirer les
porte-conteneurs.
L'
« autoroute maritime »
passe par 8
passages stratégiques, les « seuils stratégiques ». 2 seuils sont des canaux importants : Suez et
Panama, et 6 détroits : Malacca, Pas-de-Calais, Gibraltar, Bosphore, Bab El Mandeb,
Ormuz, ces trois derniers, situés au Moyen-Orient sont sensibles parce qu'ils
sont essentiels pour le commerce des hydrocarbures, dans une zone de tension
politique permanente. Un 9° détroit, celui de Béring, entre la Russie et
l’Alaska, pourrait s’avérer stratégique si les routes maritimes polaires
poursuivaient leur expansion.
Preuve de
l'importance de la route : les gigantesques travaux d'élargissements du canal
de Panama, inauguré en juin 2016 : 9 ans de travaux pour permettre à des
porte-conteneurs de 365 mètres d’emprunter cet axe qui relie l’Océan Pacifique
à l'Océan Atlantique.
L'enjeu pour les
pôles industriels continentaux est
d'être relié à cette route maritime majeure : c'est parfois possible grâce aux
grands fleuves aménagés :
-Le Rhin permet à
l'Alsace et au Sud-ouest de l'Allemagne d'être relié à Rotterdam, principal
port européen, par des péniches.
- En Chine, l'immense
Chang Jiang relie la région centrale du Sichuan, très peuplée, au port de
Shanghai. Elle permet à des villes continentales comme Chongqing ou Wuhan
d’attirer des IDE (IDE automobiles pour Wuhan).
En Amérique du
Nord, le Mississippi et les grands lacs sont reliés à l'Océan par des canaux :
c'est la voie maritime du Saint-Laurent, reliée par des « laquiers ».
B-
Littoralisation
Par ailleurs,
nous constatons que la mondialisation a
renforcé la littoralisation et le rôle des façades maritimes. Cette maritimisation
des activités économiques entraine parfois des déséquilibres, à l'exemple de la
Chine, où la plupart des IDE se sont concentrés le long des côtes, ce qui
entraine de fortes différences de
revenus entre la Chine littorale et l'intérieur des terres. Il en va de même
pour le Japon.
C-
Enjeux économiques
Enfin, les enjeux
économiques des espaces maritimes sont tels que de nouvelles routes
apparaissent, développés par la Russie ou le Canada, désireuses de profiter des
dividendes du transport maritime. En effet, la fonte des glaces a rendu
possible une route commerciale passant par l’Arctique et reliant l’Asie à l’Occident. Gain de route de 30% par
rapport à Suez = des centaines de milliers d’euros par transports. Il existe
désormais 2 routes : la route
canadienne (route du Nord-ouest) et la
route russe (route du Nord-est). L’avènement de cette route entraîne une
littoralisation de l’océan arctique avec développement d’infrastructures
portuaires. De nouveaux ports apparaissent, comme le port de Tiksi, sur la
façade océanique de la Sibérie.
II. Des espaces maritimes
convoités pour leurs potentialités
A-
Les richesses du
littoral
En plus des
enjeux du commerce international, les mers comportent des richesses
touristiques (Méditerranée) ce qui explique l'attrait du littoral en Espagne,
au Mexique ou dans les îles des Antilles (République Dominicaine, Guadeloupe).
Des richesses
territoriales : possibilités d’expansion du territoire terrestre : aéroport
d’Osaka au Japon créé à partir de remblais, car la plaine littorale japonaise était
saturée + Agrandissement de la superficie du territoire de Monaco. Des
richesses halieutiques : algues, poissons (fermes aquacoles immenses, pour
le saumon notamment), fruits de mer
(Atlantique) : fait vivre 10% de la population mondiale. Energétique :
marémotrices, éoliens, hydroliennes, qui pourrait être la révolution
technologique du futur.
B-
Les richesses de la
ZEE
Conférence de Montego Bay,
station balnéaire jamaïcaine, en
1982 qui a défini le droit maritime international. Le droit
établit une distinction entre :
La
haute mer : totalement libre : 64% des mers
Les
ZEE, Zone Économique Exclusive : 200 milles de rayon (370 km) dans lequel
l’Etat côtier bénéficie du droit exclusif d’exploration et d’exploitation. Dans
les années 1930, le Mexique et la France se sont disputés l’îlot de Clipperton
pour cette raison : cet îlot isolé
possède une ZEE presque aussi grande que la superficie de la France. L’enjeu pour le pays riverain est
de pouvoir en effet exploiter les éventuelles richesses halieutiques ou
pétrolières des eaux contrôlées.
En
outre, la fonte des glaces a rendu
possible la pêche et surtout l’exploitation des richesses du
sous-sol de l’Océan arctique → Cette
situation entraine le pillage des dernières ressources vierges de la planète,
avec le développement de gisements pétroliers offshore au large de l’Océan
arctique russe.
C-
La dégradation de
l'environnement maritime
Toutes
ces convoitises finissent par créer des dégâts pour l’environnement, le
transport maritime entraîne des risques importants de marée noire : la Bretagne
a été particulièrement touchée à la fin du XX° siècle, par des naufrages de
pétroliers (Erika en 1999). Idem l’Alaska avec le naufrage de l’Exxon Valdez en
1989.
Par ailleurs, les
courants entraînent une importante
concentration de déchets plastiques, qui ne se désintègrent pas. On parle, par
ironie, du "7° continent", amas de déchets en tous genres, qui flotte au nord des îles Hawaï sur des dizaines de
milliers de km².
III. Des espaces maritimes
sources de tension entre les États
A-
La tentation de piller
la ZEE des pays pauvres
Certains pays
riches s’octroient le droit de pêcher
dans la ZEE de pays pauvres. Pêcheurs chinois au large de la Mauritanie. La
Mauritanie n’a pas les moyens de surveiller sa ZEE, les richesses halieutiques
sont pillées par les puissantes
flottilles venues d’Asie. Au Sénégal, le nouveau président Macky Sall a
dénoncé les accords de pêche conclu par son prédécesseur avec les flottilles de
pêche chinoises, qui ruinaient les pêcheurs autochtones.
B-
Le risque de conflits
entre Etats
Des
revendications parfois anciennes : Gibraltar est toujours l’objet de
tensions entre Britanniques et
Espagnols, et ce depuis 300 ans. Il est vrai que le « rocher » a une
position stratégique, à l’entrée de la mer Méditerranée. Des revendications
parfois violentes : en 1982, une guerre s'est déclenchée entre la GB et
l'Argentine, pour le contrôle des îles Malouines, au sud de l’Océan Atlantique.
Des tensions sont apparues plus récemment en Asie de l’Est, tensions accrues
par les tendances impérialistes récentes du gouvernement chinois.
Les
îles Spratly ou Spratley, revendiquées
par le Viêt-Nam, la Chine, la Malaisie et les Philippines.
Pour des raisons
de proximité géographique, les iles Senkaku sont revendiquées par la Chine,
alors qu’au regard du droit international, ces îles appartiennent au Japon.
Ces îlots sont désertiques, minuscules
et inintéressants pour eux-mêmes. C’est la
ZEE que revendique chaque Etat, dans des eaux potentiellement riches en
hydrocarbures. La Chine est ainsi
devenue depuis peu une menace pour la paix mondiale, car elle conteste
de plus en plus de territoires en Asie de l’Est, en profitant de la mollesse des réactions de
Washington. Il faut noter que le Japon est l’allié des États-Unis, et que le
conflit des Senkaku pourrait dégénérer en une grave crise d’ampleur mondiale,
si les Chinois persévéraient dans leurs
provocations.
Le découpage des ZEE provoque aussi des
tensions dans l’Océan arctique : la Russie réclame de plus grandes espaces
maritimes. En 2007, elle a symboliquement planté un drapeau russe au fond de
l’Océan, au point même du pôle Nord, pour affirmer ces prétentions Pour la
Russie, la conquête de la ZEE arctique est un enjeu de sa nouvelle puissance.
C-
Le risque de piraterie
Des régions sont particulièrement
surveillées, même si les actes de piraterie ont diminué au large de Malacca.
Le large de la
Somalie est devenue une zone de fortes tensions, or il s’agit de la route qu’empruntent les
pétroliers qui se rendent du Golfe
Persique vers l’Europe (proximité de Bab El Mandeb) : nombreux prises de
bateaux, libérés contre rançons. Le gouvernement français autorise les bateaux
de pêche et les pétroliers à se faire
protéger par des sociétés privées. Les attaques se sont raréfiées. La piraterie
au large du Golfe de Guinée est, en revanche, en plein essor. Elle vise les
pétroliers qui partent du Nigeria.
Le commerce intensif lié à la
mondialisation a permis le développement de façades maritimes dynamiques et a
renforcé l’intérêt du monde pour les océans. Cet intérêt a entrainé de nouvelles conflictualités pour la conquête du
nouvel « or bleu ».
Les convoitises pourraient
dégénérer en une crise majeure si le nouveau président Trump poursuivait son
discours antichinois et focalisait à l’avenir
son attention sur les îles Senkaku dont on sait qu’elles sont devenues un enjeu pour la nouvelle politique
impérialiste chinoise.
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