mercredi 7 juin 2017

Géographie, Les espaces maritimes, approche géostratégique, TES

Les espaces maritimes,  approche géostratégique
              
  Le classement des principaux ports de la planète a beaucoup évolué depuis 40 ans. Alors qu’autrefois les plus grands ports  étaient européens, aujourd’hui, ce sont ceux du littoral chinois, comme Ningbo ou Shanghai, qui occupent les premières places du classement. En effet, les ports sont le point de départ et d’arrivée des porte-conteneurs, qui sillonnent les espaces maritimes. Il est vrai que les mers et les océans  représentent 90% des échanges mondiaux et ils  sont devenus un théâtre majeur de la mondialisation, la mondialisation étant un processus de mise en relation du monde par l’intensification des flux. Ces flux  engendrent  une intégration différentiée des territoires dans un monde de plus en plus interdépendant. Nous pouvons alors nous interroger sur les intérêts géostratégiques des mers, dans un monde de plus en plus instable et de plus en plus mondialisé. Pourquoi les espaces maritimes voient-ils leur importance s’accroître avec la mondialisation ?
Après avoir vu que la mondialisation avait  valorisé les espaces maritimes, nous verrons que ceux-ci sont convoités à cause de leurs nombreuses richesses. Ces convoitises suscitent des tensions qui seront évoquées dans une 3° partie.

I-                     Les espaces maritimes valorisés par la mondialisation
A-     Des enjeux commerciaux
Tout d’abord, rappelons les enjeux  commerciaux  des espaces maritimes : les mers totalisent  près de 90% des échanges internationaux, notamment au niveau des échanges d’énergie, de matières agricoles et de matières premières.
Bon schéma de compo à reproduire p. 155 schéma n°1
Les océans sont empruntées par des centaines de pétroliers (+ de 3000), de méthaniers (1500), de vraquiers, de porte-conteneurs (4700). "Grande route du transport maritime" ou "autoroute maritime", qui relie les principaux pôles de la mondialisation (Asie de l’Est, Europe et Amérique du Nord) entre eux.  Cette route permet un développement de façades littorales majeures qui réalisent de gros investissements portuaires pour rester compétitives : ces villes portuaires  se  sont donc équipées de ports en eaux profondes  avec des plateformes multimodales. Les ports qui  ont réussi leur mutation sont devenus des métropoles majeures de la mondialisation : c’est le cas de Ningbo, Shanghai, Singapour et Qindao, en Asie de l’Est, qui sont devenus les 4 plus grands ports du monde. A l'inverse, Marseille, paralysée  par des grèves à répétition, a perdu le statut de grand port qu'elle détenait autrefois. La France mise à présent avant tout sur son  port du Havre (modernisé dans le cadre du grand projet : « Le Havre 2000 ») pour attirer les porte-conteneurs.
L'  « autoroute maritime »   passe  par  8  passages stratégiques, les « seuils stratégiques ». 2  seuils sont des canaux importants : Suez et Panama, et 6 détroits : Malacca, Pas-de-Calais, Gibraltar, Bosphore, Bab El Mandeb, Ormuz, ces trois derniers, situés au Moyen-Orient sont sensibles parce qu'ils sont essentiels pour le commerce des hydrocarbures, dans une zone de tension politique permanente. Un 9° détroit, celui de Béring, entre la Russie et l’Alaska, pourrait s’avérer stratégique si les routes maritimes polaires poursuivaient leur expansion.
Preuve de l'importance de la route : les gigantesques travaux d'élargissements du canal de Panama, inauguré en juin 2016 : 9 ans de travaux pour permettre à des porte-conteneurs de 365 mètres d’emprunter cet axe qui relie l’Océan Pacifique à l'Océan Atlantique.
L'enjeu pour les pôles industriels continentaux  est d'être relié à cette route maritime majeure : c'est parfois possible grâce aux grands fleuves  aménagés :
-Le Rhin permet à l'Alsace et au Sud-ouest de l'Allemagne d'être relié à Rotterdam, principal port européen, par des péniches.
- En Chine, l'immense Chang Jiang relie la région centrale du Sichuan, très peuplée, au port de Shanghai. Elle permet à des villes continentales comme Chongqing ou Wuhan d’attirer des IDE (IDE automobiles pour Wuhan).
En Amérique du Nord, le Mississippi et les grands lacs sont reliés à l'Océan par des canaux : c'est la voie maritime du Saint-Laurent, reliée par des « laquiers ».
B-      Littoralisation
Par ailleurs, nous constatons que  la mondialisation a renforcé la littoralisation et le rôle des façades maritimes. Cette maritimisation des activités économiques entraine parfois des déséquilibres, à l'exemple de la Chine, où la plupart des IDE se sont concentrés le long des côtes, ce qui entraine  de fortes différences de revenus entre la Chine littorale et l'intérieur des terres. Il en va de même pour le Japon.
C-      Enjeux économiques
Enfin, les enjeux économiques des espaces maritimes sont tels que de nouvelles routes apparaissent, développés par la Russie ou le Canada, désireuses de profiter des dividendes du transport maritime. En effet, la fonte des glaces a rendu possible une route commerciale passant par l’Arctique et reliant  l’Asie à l’Occident. Gain de route de 30% par rapport à Suez = des centaines de milliers d’euros par transports. Il existe désormais  2 routes : la route canadienne (route du Nord-ouest)  et la route russe (route du Nord-est). L’avènement de cette route entraîne une littoralisation de l’océan arctique avec développement d’infrastructures portuaires. De nouveaux ports apparaissent, comme le port de Tiksi, sur la façade océanique de la Sibérie.
II. Des espaces maritimes convoités pour leurs potentialités
A-     Les richesses du littoral
En plus des enjeux du commerce international, les mers comportent des richesses touristiques (Méditerranée) ce qui explique l'attrait du littoral en Espagne, au Mexique ou dans les îles des Antilles (République Dominicaine, Guadeloupe).
Des richesses territoriales : possibilités d’expansion du territoire terrestre : aéroport d’Osaka au Japon créé à partir de remblais, car la plaine littorale japonaise était saturée + Agrandissement de la superficie du territoire de Monaco. Des richesses halieutiques : algues, poissons (fermes aquacoles immenses, pour le saumon notamment), fruits de mer  (Atlantique) : fait vivre 10% de la population mondiale. Energétique : marémotrices, éoliens, hydroliennes, qui pourrait être la révolution technologique du futur.
B-      Les richesses de la ZEE

                Conférence de Montego Bay, station balnéaire jamaïcaine,  en 1982  qui a défini  le droit maritime international. Le droit établit une distinction entre :
La haute mer : totalement libre : 64% des mers
Les ZEE, Zone Économique Exclusive : 200 milles de rayon (370 km) dans lequel l’Etat côtier bénéficie du droit exclusif d’exploration et d’exploitation. Dans les années 1930, le Mexique et la France se sont disputés l’îlot de Clipperton pour cette raison : cet  îlot isolé possède une ZEE presque aussi grande que la superficie de  la France. L’enjeu pour le pays riverain est de pouvoir en effet exploiter les éventuelles richesses halieutiques ou pétrolières des eaux contrôlées.
En outre, la fonte des glaces a rendu  possible la pêche et surtout l’exploitation des richesses du sous-sol  de l’Océan arctique → Cette situation entraine le pillage des dernières ressources vierges de la planète, avec le développement de gisements pétroliers offshore au large de l’Océan arctique russe.

C-      La dégradation de l'environnement maritime

Toutes ces convoitises finissent par créer des dégâts pour l’environnement, le transport maritime entraîne des risques importants de marée noire : la Bretagne a été particulièrement touchée à la fin du XX° siècle, par des naufrages de pétroliers (Erika en 1999). Idem l’Alaska avec le naufrage de l’Exxon Valdez en 1989.
Par ailleurs, les courants entraînent  une importante concentration de déchets plastiques, qui ne se désintègrent pas. On parle, par ironie, du "7° continent", amas de déchets en tous genres, qui flotte  au nord des îles Hawaï sur des dizaines de milliers de km².
III. Des espaces maritimes sources de tension entre les États
A-     La tentation de piller la ZEE des pays pauvres
Certains pays riches s’octroient le droit  de pêcher dans la ZEE de pays pauvres. Pêcheurs chinois au large de la Mauritanie. La Mauritanie n’a pas les moyens de surveiller sa ZEE, les richesses halieutiques sont pillées par les puissantes  flottilles venues d’Asie. Au Sénégal, le nouveau président Macky Sall a dénoncé les accords de pêche conclu par son prédécesseur avec les flottilles de pêche chinoises, qui ruinaient les pêcheurs autochtones.
B-      Le risque de conflits entre Etats
Des revendications parfois anciennes : Gibraltar est toujours l’objet de tensions  entre Britanniques et Espagnols, et ce depuis 300 ans. Il est vrai que le « rocher » a une position stratégique, à l’entrée de la mer Méditerranée. Des revendications parfois violentes : en 1982, une guerre s'est déclenchée entre la GB et l'Argentine, pour le contrôle des îles Malouines, au sud de l’Océan Atlantique. Des tensions sont apparues plus récemment en Asie de l’Est, tensions accrues par les tendances impérialistes récentes du gouvernement chinois.
Les  îles Spratly ou Spratley, revendiquées  par le Viêt-Nam, la Chine, la Malaisie et les Philippines.
Pour des raisons de proximité géographique, les iles Senkaku sont revendiquées par la Chine, alors qu’au regard du droit international, ces îles appartiennent au Japon. Ces  îlots sont désertiques, minuscules et  inintéressants pour eux-mêmes. C’est la ZEE que revendique chaque Etat, dans des eaux potentiellement riches en hydrocarbures. La Chine est ainsi  devenue depuis peu une menace pour la paix mondiale, car elle conteste de plus en plus de territoires en Asie de l’Est, en  profitant de la mollesse des réactions de Washington. Il faut noter que le Japon est l’allié des États-Unis, et que le conflit des Senkaku pourrait dégénérer en une grave crise d’ampleur mondiale, si les Chinois persévéraient  dans leurs provocations.
Le  découpage des ZEE  provoque aussi des tensions dans l’Océan arctique : la Russie réclame de plus grandes espaces maritimes. En 2007, elle a symboliquement planté un drapeau russe au fond de l’Océan, au point même du pôle Nord, pour affirmer ces prétentions Pour la Russie, la conquête de la ZEE arctique est un enjeu de sa nouvelle puissance.
C-      Le risque de piraterie
Des régions sont particulièrement surveillées, même si les actes de piraterie ont diminué au large de Malacca.
Le large de la Somalie est devenue une zone de fortes tensions, or  il s’agit de la route qu’empruntent les pétroliers qui se rendent du  Golfe Persique vers l’Europe  (proximité de Bab El Mandeb) : nombreux prises de bateaux, libérés contre rançons. Le gouvernement français autorise les bateaux de pêche et les pétroliers  à se faire protéger par des sociétés privées. Les attaques se sont raréfiées. La piraterie au large du Golfe de Guinée est, en revanche, en plein essor. Elle vise les pétroliers qui partent du Nigeria.
                Le commerce intensif lié à la mondialisation a permis le développement de façades maritimes dynamiques et a renforcé  l’intérêt du monde  pour les océans. Cet intérêt a entrainé de  nouvelles conflictualités pour la conquête du nouvel « or bleu ».

                Les convoitises pourraient dégénérer en une crise majeure si le nouveau président Trump poursuivait son discours antichinois et focalisait à l’avenir  son attention sur les îles Senkaku dont on sait qu’elles sont devenues  un enjeu pour la nouvelle politique impérialiste chinoise.

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