Thème
6 : Justice sociale et inégalité
Comment
les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la justice sociale ?
La justice sociale est le concept qui vise à déterminer si une situation est
souhaitable ou non aux yeux d’une société. C’est donc un concept moral. Sera juste
toute situation que la majorité des individus pensent normale,
souhaitable pour leur société. Il est donc possible de distinguer différentes
analyses de justice sociale en fonction des points de vue.
Toutes les inégalités
n’apparaissent donc pas comme injustes. Nous luttons contre les
inégalités ethniques, sexuelles, scolaire… car nous les trouvons injustes mais
les inégalités de salaire entre ouvriers et cadres paraissent dans une certaine
limite normale. Cette inégalité est justifiée par des différences de diplômes,
de qualification.
I-
Inégalités et justice sociale
A-
Qu’est-ce-que l’égalité ? l’égalité de quoi ?
1- L’égalité
des droits
Le patrimoine
constitué par certains individus n’est pas injuste puisqu’il est fondé sur le
talent, les efforts, le travail, le mérite de chacun. Pour être juste, une société doit
simplement affirmer une égalité des droits entre les individus. Chacun doit
avoir les mêmes droits et être libre de choisir s’il veut travailler ou non.
Toutes
les situations qui découlent d’une égalité de droits au départ seront perçues
comme juste dans cette analyse.
Comme le point de vue
libéral, la méritocratie est le régime qui pousse les individus à faire le
plus d’effort. Leurs richesses dépendront de leur travail. Pour les
libéraux, corriger cette inégalité est injuste. Elle n’est pas que la
conséquence de choix différents des individus, des différences du travail,
d’efforts fournis par les individus.
Chercher à
redistribuer les richesses est un mauvais signal envoyé aux individus,
ils ne
sont pas incités à travailler, à fournir des efforts puisque cela ne les rendra
pas plus riches que les autres. Cela fragilisera la croissance en
poussant les individus à la paresse.
A l’inverse, les
inégalités peuvent être un bon signal envoyé à la population :
elles poussent
à se dépasser pour monter dans la hiérarchie. Les inégalités sont des aiguillons qui
stimulent la croissance, le progrès technique, la prise de risque.
2- L’égalité
des situations
L’égalité des
droits/formelle ne suffit pas à garantir une société juste. En effet, patrons
et ouvriers sont égaux dans la loi mais dans les faits, l’ouvrier n’a pas le
choix, n’est pas libre. Il doit travailler pour vivre et faire vivre sa
famille. L’égalité
des droits est nécessaire mais n’est pas suffisante pour fonder une société
juste.
Pour éviter
les risques d’exploitation des défavorisés par les individus favorisés. Il faut imposer
une égalité réelle, une égalité de faits/condition/situation entre les
individus. Chacun doit avoir la même situation que les autres.
C’est le point de vue
marxiste où chacun doit avoir ce qu’il lui faut selon ses besoins. Une
redistribution totale des richesses est donc nécessaire pour fonder une société
juste où les individus sont réellement égaux.
3- L’égalité
des chances
L’égalité des
places est à rapprocher de l’égalité des situations : les
inégalités sont injustes, il faut les combattre en permanence. L’égalité des
chances cherche
à lutter contre les inégalités réelles en promouvant une situation égalitaire
au départ. A leur « naissance », les individus doivent être
égaux dans la loi et aussi dans les faits (le plus possible).
L’Ecole est
donc au cœur du principe de l’égalité des chances. Elle doit permettre
de mettre tous les individus sur un pied d’égalité. Elle est donc
gratuite, laïque, obligatoire et méritocratique. Elle délivre des diplômes à
ceux qui le méritent quel que soit leur origine sociale.
L’égalité des
chances n’éradique pas toutes les inégalités mais simplement celles de départ.
Par la suite, si les inégalités réapparaissent, elles peuvent être considérées
comme justes.
B-
L’équité pour plus d’égalité
L’équité est le principe de justice sociale qui vise à donner plus à ceux
qui ont le moins. La société traite donc les individus inégalitairement,
différemment pour les rendre, par la suite, plus égaux. Les plus démunis se voient
donc avantagés pour compenser le poids de leurs origines.
Les politiques
menées pour plus d’équité sont des politiques de discrimination positive (bourses,
frais de scolarité progressifs). La création des ZEP (zone d’éducation
prioritaire) permettent aux zones géographiques défavorisées d’avoir plus de moyens,
moins d’élèves par classes, des programmes aménagés…
Les programmes
d’égalité des chances donnent plus de ressources aux plus défavorisés.
Ces politiques se basent sur des critères sociaux (être
défavorisé, sans lien avec l’origine ethnique des individus). Sciences Po
réserve des places pour des élèves venant de ZEP. A l’inverse, aux USA, les
politiques de discrimination sont basées sur des critères ethniques (postes réservés aux noirs, latinos…).
è L’équité ne s’oppose pas véritablement à l’égalité. Si l’on
traite les individus différemment au départ, c’est pour les rendre plus égaux
par la suite.
II-
Les pouvoirs publics contribuent à la
justice sociale
A-
Les dépenses en faveur de la protection sociale et les services collectifs
1- Protection
sociale et redistribution des richesses
La redistribution verticale : une partie de la richesse des plus
riches est prélevée et redistribuée aux plus défavorisés. La
redistribution va du haut vers le bas (riches -> pauvres). Les impôts payés par les plus riches
servent à financer le RSA par exemple. Cette redistribution vise à réduire les
inégalités, elle participe à la justice sociale française.
La redistribution horizontale : L’Etat prélève des cotisations sur
ceux qui travaillent et redistribue ces richesses à ceux qui travaillent pas ou
plus. En cotisant, l’individu se protège lui-même, au cas où il subisse un
risque plus tard. Cela ne permet pas de réduire les inégalités mais de lisser
les niveaux de vie. Le système de redistribution horizontale est un système
solidaire, les individus ne cotisent pas pour eux-mêmes mais pour ceux
qui subissent un risque aujourd’hui. Mais en cotisant, l’individu s’assure
indirectement lui-même s’il subit un risque puisqu’il sera à son tour aidé.
La logique
d’assistance s’exerce à partir de la redistribution verticale : les
plus pauvres sont aidés sans contrepartie grâce aux impôts sur les plus riches.
La logique
d’assurance s’exerce avec la redistribution horizontale : les
actifs cotisent pour ceux qui subissent un risque aujourd’hui (les jeunes
actifs payent les retraites…).
Le système de
protection sociale français est d’abord assurantiel (sécu) et à la marge assistantiel. Cependant, depuis les
années 70/80, le développement du chômage et de la précarité réduit l’efficacité des
assurances sociales (moins d’actifs qui cotisent). Cela oblige
notre système d’être de plus en plus assistantiel.
è Le système de protection sociale français vise à réduire les
inégalités soit entre les individus soit au cours de la vie. Il participe donc
à la conception de la justice sociale en France : le travail doit protéger
les individus (par les cotisations) et les plus fiables seront en plus
aidés.
2- Les
services collectifs réduisent les inégalités
Un service public est un service qui vise à assurer un accès égalitaire à
une ressource valorisée : tout le public doit y avoir accès dans les
meilleures conditions, à un cout minimal. En France, ces services
publics sont généralement produits par le secteur public. Mais ce n’est
pas une obligation. L’Etat peut déléguer cette mission à une entreprise privée.
Les services
publics participent
à la baisse des inégalités puisqu’ils sont accessibles par tous gratuitement ou
à un faible prix. Tout le monde peut donc en profiter alors que ces services ont
été financés par les impôts payés par les plus riches. C’est le cas de
l’Ecole publique : elle est gratuite pour tous mais indirectement financée
par les impôts payés par les plus riches. Les pauvres en profitent donc autant
voire plus que les riches.
B-
La fiscalité, un outil en faveur de la justice sociale
Impôts progressif : les taux d’imposition augmentent au fur et à mesure
que mes individus s’enrichissent. En France, l’impôt sur le revenu est
progressif : 5 tranches d’imposition de 0 à 45% au fur et à mesure
que le revenu s’accroit.
Impôt proportionnel : chaque individu paye le même pourcentage, taux,
quel que soit son revenu. De nombreux prélèvements en France sont
proportionnels : les cotisations sociales, la TVA…
Les impôts
progressifs peuvent être considérés comme plus justes car ils réduisent les inégalités
économiques : les riches payent plus que les pauvres, l’écart entre
les extrêmes se réduit. Les impôts proportionnels maintiennent les inégalités au
même niveau, l’écart entre les extrêmes reste inchangé.
Notre système fiscal est donc basé
à la fois sur une conception libérale de la justice sociale (les impôts
proportionnels) et une conception socialiste (les impôts
progressifs).
La TVA est
considérée comme injuste car le taux est le même pour tous et surtout car les
plus riches consomment une part plus faible de leur revenu que les pauvres. La
TVA représente donc une part plus faible de leur revenu. La TVA tend à creuser
les inégalités.
C-
La lutte contre les discriminations
Les
discriminations restent nombreuses en France. Elles rompent le principe d’égalité
entre les citoyens. L’Etat se doit donc de lutter pour les supprimer, les
réduire. Son moyen d’action privilégié est la loi qui va imposer des
comportements en faveur d’une plus grande égalité :
-
Les quotas : pourcentage de travailleurs handicapés
dans les entreprises, parité
-
Obligation d’accepter les personnes discriminées
à l’Ecole, accès aux services publics et commerces pour les handicapés
-
Sanctions, amendes en cas de discrimination
reconnue : propos racistes, homophobes
De plus, l’Etat mène des
campagnes de sensibilisation (égalité entre les sexes, orientation sexuelle,
ethnique). Enfin, l’Etat n’est pas le seul à lutter, des associations
cherchent à défendre les individus discriminés et à faciliter leur intégration
(SOS Racisme, Ni putes ni soumises).
III-
Les limites de l’intervention de l’Etat dans
la lutte contre les inégalités
A-
Des effets pervers
Pour certains,
les
différences de revenu entre les allocations perçues par un pauvre et un
individu payé au SMIC ne sont pas assez importantes pour inciter les pauvres à
chercher un travail. En effet, le RSA ou les allocations chômage plus
les diverses aides versées (prime de
Noël, logement, transport) sont plus ou moins équivalentes au revenu
minimum perçu par certains salariés. Toutes ces aides désincitent au retour à l’emploi
pour les libéraux.
Cependant, l’argent n’est
pas la seule motivation au retour à l’emploi. Travailler c’est aussi se sentir
utile, être reconnu, créer des liens. Ces aspects sociaux sont mis de côté par
ceux qui dénoncent les profiteurs, les assistés du système. D’un autre
côté, le RSA
n’incite pas au retour à l’emploi puisqu’il donne un revenu sans contrepartie,
sans travail.
Toutefois, pour limiter
cet effet pervers, une partie du RSA continuera d’être versée aux travailleurs
pauvres : les salariées à temps partiel, au SMIC continueront de
percevoir une partie du RSA. Cela agrandit l’écart entre revenu du travail et
les revenus de l’assistance et poussent donc les individus à chercher du
travail.
B-
Un manque d’efficacité
Les
prélèvements obligatoires (impôts, taxes,
cotisations sociale) représentent 40% du revenu des 10% des Français les
plus pauvres : 40% de leur revenu brut est ainsi prélevé par l’Etat. A
l’opposé, les 0.001% des Français les plus riches ne versent que l’équivalent
de 33% de leur revenu à l’Etat.
Notre système
fiscal apparait comme injuste, inefficace puisque les pauvres payent
relativement plus d’impôts que les plus riches. Un impôt
progressif est un impôt dont le taux augmente au fur et à mesure que les
individus s’enrichissent. C’est le cas pour 90/95 % de la population
française. Mais les 5% des Français les plus riches connaissent un taux
d’imposition dégressif : la part de prélèvement diminue au fur et à
mesure qu’ils s’enrichissent. Cela s’explique par l’effondrement des
cotisations sociales payées par les plus riches. N’étant que très peu souvent
salariés, ils ne payent pas/peu de cotisations. Leur revenu vient
essentiellement de leurs propriétés. Mais puisque les impôts sur le capital
sont assez faibles en France, cela ne compense pas la baisse des cotisations sociales. De
même, les
plus riches recherchent à réduire leurs impôts sur le revenu en bénéficiant de
crédits d’impôts (investissements
dans les DROM, rénovation écologique, dons, travaux ménagers).
Le système
fiscal français semble dégressif pour les 3 à 4 % des Français les plus riches.
Mais pour l’immense majorité des ménages, il est progressif et permet donc de réduire
les inégalités. L’intervention de l’Etat ne semble pas complètement
efficace. Une refondation de notre système fiscal semble possible.
C-
Des contraintes économiques
En 2001, le
déficit de la sécurité sociale s’élevait à 19.5 millions d’euros. Ce déficit vient
s’ajouter au déficit des années précédentes et constitue la dette de la
sécurité sociale (160 milliards d’euros). Le déficit se creuse d’années en
années, il est six fois plus important en 2011 qu’il ne l’était en 2002. La
dette s’alourdit donc de plus en plus vite, ces hausses de déficit ont 2
explications :
-
Une stagnation voire baisse des recettes perçues :
la population active augmente peu, pas, les cotisations sociales non plus
-
Une explosion des dépenses : vieillissement de
la population (papy-boom) donc plus de retraites, plus longtemps et plus de
dépenses maladies
On parle de l’ouverture des
ciseaux ; plus largement, les dépenses de la sécurité ne se
limitent pas à la sécu, il faut y ajouter les dépenses d’allocation chômage or le
nombre chômeurs a augmenté ces dernières années.
è Notre système de justice sociale vise à réduire en partie les
inégalités sans trop desinciter au travail. Ils se basent essentiellement sur
le système de protection sociale (sécu, chômage) et l’Ecole qui doit favoriser
l’égalité des chances. Cependant, notre système connait des limites qu’il lui
faut corriger s’il ne vaut pas imploser (de plus en plus de critiques sur les
assistés, sur l’efficacité…).
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