mardi 6 juin 2017

Géographie, Question3 - L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance, Mumbai : modernité, inégalités

Question3 - L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance

Mumbai : modernité, inégalités

Située sur l'Océan Indien, Mumbai est la capitale économique de l’Inde. Elle fait en partie de ces mégapoles géantes et les images qu'elle nous évoque sont plutôt répulsives et emblématiques des pays du « Sud » : une démographie galopante, qui complique  le recensement   de la population, des bidonvilles sordides, et une saleté sans pareil. Mais Mumbai nous offre aussi un autre visage : celui d’un phare du développement d’un des pays les plus prometteurs du monde : l’Inde. Mumbai  attire en effet des IDE venus du monde entier, et elle se développe à toute vitesse Elle accueille aujourd’hui une classe moyenne qui fait mentir les clichés misérabilistes sur l’extrême-misère des villes du sous-continent indien. Mumbai est donc une ville de forts contrastes  sociaux, au même titre que les grandes mégapoles de la Chine ou de l'ASEAN.
En quoi Mumbai est-elle une mégapole révélatrice du dynamisme et des inégalités de la croissance asiatique ?
Nous soulignerons tout d’abord les caractéristiques de l’intégration de Mumbai dans la mondialisation, et nous verrons ensuite que cette intégration bouleverse l’organisation géographique  de la ville. Les problèmes écologiques et sociaux engendrés par ce développement effréné seront abordés dans une troisième partie.
I.                    Une métropole moderne et mondialisée
A.      Une métropole économique
Mumbai compte 22 millions d'habitants environ, en englobant le grand Mumbai. Sans les banlieues, la ville compte 12 millions d’habitants ce  qui en fait la ville la plus peuplée de l'Inde,  ex-æquo avec Delhi.  Elle fait partie de ces mégapoles du Sud qui ont connu une croissance exponentielle depuis 1950 : à peine 4 millions d'habitants en 1960, 6 millions en 1970. C'est également la ville la plus riche de l’Inde, pour de nombreuses raisons.
L’atout de Mumbai est sa façade littorale, le long de la mer d’Oman, à l’ouest de l’Inde, un  atout dont ne dispose pas la capitale New Delhi, enclavée à l’intérieur des terres. Or, on se rappelle que 90% des échanges se font par la voie maritime. Mumbai va profiter de sa position maritime stratégique pour développer de nombreuses fonctions en lien avec la mondialisation :
 - Des fonctions économiques : « 6 des 8 premières FTN ont leur siège social à Mumbai ». On peut citer comme exemple le célèbre groupe automobile Tata. Mumbai  représente, selon le repère en haut de la page 284, 7% du PIB de l’Inde, mais aussi 12% des emplois industriels. Mumbai attire en effet des IDE venus du monde entier, et notamment des IDE de l’importante et prospère diaspora indienne établie sur l’île Maurice. Les IDE sont  attirés à la fois par les nombreuses  infrastructures, qui font de Mumbai une métropole moderne,  et aussi par ses bas salaires, qui en font une ville du Sud.
- Des fonctions boursières : 2 bourses à Mumbai. Une bonne partie de la richesse financière est produite dans le "quartier des affaires historiques", appelé, à l’époque coloniale britannique,  le "quartier du Fort"... On remarque que le quartier des affaires est si dynamique qu'il est obligé de se délocaliser dans 2 autres quartiers de la ville : les quartiers d’ Oshiwana et Bandra Kurla.
Les fonctions industrielles et financières de Mumbai ont donc  favorisé la prospérité de la mégapole : au final, les salaires y  sont, en moyenne,  trois fois plus élevés que dans le reste de l’Inde.
                B. Une métropole culturelle
-  La fonction culturelle est également essentielle à Mumbai. C’est ce qui la distingue de Delhi : Mumbai est la ville du cinéma : « film city », le  musée du cinéma indien, attire en pèlerinage des fans venus de tout le sous-continent indien. « Film city » retrace les 110 années de gloire de  "Bollywood", 1° centre mondial du cinéma au monde, avec 250 films par an. Le cinéma indien est peu connu en France, mais il faut savoir que certaines stars du cinéma, comme la célèbre Priyanka Chopra (« Piggy Chops »), sont vénérées comme des dieux vivants en Asie du Sud.
-  Mais Mumbai a aussi des fonctions universitaires (University of Mumbai). Ainsi qu'un centre de recherche varié, dans le domaine de la science (Tata) et dans le domaine nucléaire. Preuve que l'Inde peut faire partie des pays en pointe dans l'innovation. L’Inde est en effet l’un des rares pays du Sud à faire des efforts significatifs dans la R & D, et ceci depuis une bonne quarantaine d’années, à présent.
Mumbai est  donc une ville influente, sur le plan économique et culturel. D' après le Global Power City Index 2011, elle est la 41e ville la plus attractive et la plus compétitive du monde. Mais, à la réflexion, ce score est, somme toute, modeste. Mumbai est certes une métropole importante, mais elle n'a pas la notoriété de Londres,  New York ou de Tokyo (les trois premières villes du classement)... Par exemple, Mumbai  n'est pas spontanément citée par les élèves  lorsqu'on leur demande, à l’improviste, de citer le nom de trois villes qui comptent dans le monde.
C.  Un rôle d’interface entre l’Inde et le reste du monde
Mumbai joue un important rôle d’interface entre l’Inde et le monde comme l’indiquent ses équipements de transport. :
- Sur le plan aérien, ses deux aéroports internationaux (Chhatrapati Shivaji International Airport, Navi Mum­bai International Airport) en font un hub majeur entre l’Inde et le reste du monde. S’ajoute à cela le  Navi Mumbai International Airport, en projet. Mumbai abrite 40% des vols internationaux de l’Inde. Évolution positive  du trafic aérien : +50% de passagers entre 2009 et 2014 dans les aéroports de Mumbai.
En outre, les nombreux ports de Mumbai exportent vers le monde entier. Ces ports sont stratégiques pour le commerce international de l’Inde : la ville concentre 41% du commerce maritime du pays.
II.                  Une métropole multipolaire en recomposition
A.      Une croissance mal maitrisée
Mumbai connaît une croissance spatiale mal maîtrisée. La situation stratégique de la ville, située au bout d’une presqu’île, a longtemps été un atout : une position portuaire facile à défendre, qui avait séduit les britanniques. Ces derniers avaient développé le « quartier du fort » au XVIII° siècle. Mais aujourd’hui cette position est un handicap : Mumbai, ville maritime par excellence, ne peut s'étaler ni  vers le sud, ni vers l'ouest, et difficilement vers l’est, à cause du large fleuve Ulhas.  Le principal point cardinal est donc le nord. Aussi, l’étalement urbain longe le littoral  et contourne le parc national Sanjay Gandhi. Cette position est un handicap important, qui pousse le prix du foncier à la hausse.
L’expansion spatiale est telle qu’une "ville nouvelle" (Navi Mumbai) a été construite à l’est de l’agglomération. Navi Mumbai représente désormais l’essentiel de l’espace urbanisé : 350 km², soit 3 x la taille de paris. Pour l’instant, Navi Mumbai abrite 1 million d’habitants, mais sa population devrait encore augmenter  dans les prochaines années, car le gouvernement indien ambitionne de désengorger la population du cul-de-sac que représente le quartier du fort.  Il  n’y a  pas encore de pont, entre le quartier du Fort et Navi Mumbai, car il faut affronter un  bras de mer de 20 km. Ça oblige à prendre le bateau ou à réaliser de longues migrations pendulaires.
L’étalement urbain dépasse aujourd’hui les frontières de la municipalité, et il se poursuit, de façon plus anarchique, au sud de Navi Mumbai où de nombreuses entreprises s’installent, attirées par le prix du foncier bas, à l’échelle de Mumbai, s'entend.
B.      Une ville polycentrique
Une nécessité pour la municipalité : diversifier les pôles économiques de Mumbai. La pression immobilière aboutit à un triple phénomène :
·         1° phénomène : Une délocalisation des activités industrielles vers la périphérie. Fuyant les loyers élevés, les entreprises, gourmandes en espace, se regroupent dans de nouvelles zones industrielles, notamment à Navi Mumbai. C’est le cas du textile chinois.
·         2° phénomène : multiplication des  CBD : Bandra-Kurla (le plus important après quartier du Fort), Belapur et Oshiwara, pour diminuer l’impact de la hausse de l’immobilier.
·         3°  phénomène : mais malgré tous ces pôles de richesses, la quantité de slums ne diminue pas et aujourd’hui, 60% de la population de Mumbai habite encore dans des bidonvilles.
La principale arme contre la flambée des prix de l’immobilier est donc le développement d’un « nouveau Mumbai » (Navi Mumbai en hindi), avec son propre CBD et ses activités industrielles. On assiste alors à une spécialisation de la ville par quartiers : activités tertiaires de prestige (finances, arts et cultures, services, centres d'appel, comptabilité) au quartier du fort, et activités industrielles gourmandes en foncier  (textile notamment, électronique) à Navi Mumbai.
Un glissement de la croissance urbaine vers la périphérie : du fait de ses loyers excessifs, le quartier du Fort se dépeuple. A l'inverse, les quartiers au nord du parc national Sanjay Gandhi et Navi Mumbai connaissent une forte croissance. L'essentiel de la population se regroupe à présent dans la banlieue. Le doc 10 nous  montre que ce n'est peut-être que le début de la déconcentration : le développement de Navi Mumbai est programmé depuis longtemps. La ville nouvelle  devrait, à terme, compter 10 millions d'habitants, avec aéroport, métro. Les autorités ont clairement la volonté de bâtir un urbanisme attractif, organisé autour de  quartiers propres et rationnels, bien desservis par des transports en commun (les fameux bus rouges). Et pourquoi la municipalité de Mumbai fait-elle tout cela à votre avis ?
 Eh ben tout simplement parce que le rêve du gouvernement indien, lorsqu’il a créé Navi Mumbai, dans les années 1970, a été  de présenter aux Occidentaux une ville propre, débarrassée des ignobles bidonvilles qui encerclent les alentours de banda-Kurla ! C’est une question de prestige !



C.      Mais des transports saturés
On observe l’impact direct de cette urbanisation : la saturation du trafic et l’autopont qui s’est surimposé montrent que la ville absorbe difficilement les déplacements journaliers.
 Situation aggravée par l'explosion démographique incessante de Mumbai, qui continue à attirer une population pauvre rurale, qui vient s'agglutiner dans les slums. Axes de transports saturés, qui font un « U » pour rejoindre Navi Mumbai.  
Des projets de ponts se développent pour rapprocher les deux pôles. Ce  projet d'un pont entre Navi Mumbai et le quartier du Fort s’appelle le « Trans Harbour Sea Link » 2.7 milliards de dollars sur 21 km ... Lorsqu’il y aura un pont, Navi mumbai pourra connaître un réel essor démographique car elle sera plus attractive + projet d'un monorail pour relier les différents  CBD du quartier du  Fort.
 Avantages du monorail :
·         Décongestionner le centre-ville
·         Moderniser la ville avec des transports propres
Inconvénients
·         Le monorail crée un appel d'air vers un quartier déjà totalement surpeuplé
·         Coût énorme pour une ville qui manque de moyens
III.                Une métropole peu durable aux fortes inégalités
A.      Des inégalités fortes
Photo qui montre le fort contraste entre  les quartiers riches et pauvres. La population riche s’agglutine le long du littoral. Exemple, Marine Drive. Les quartiers aisés se regroupent  le long de l’Océan indien, souvent dans des gratte-ciels, puisque le  prix du m² est exorbitant. Il y a déjà 91 gratte-ciels à Mumbai. Des gratte-ciels toujours plus hauts (300 mètres !) conçus avec des matériaux encore plus légers qu’une pensée libertine... Mumbai est en effet une des villes les plus chères du monde. Exemple : l'Antilia tower, immeuble de luxe. (La  villa Antilia du milliardaire Mukesh Ambani, avec ses 27 étages, ses 30 000  m², ses 3 héliports et son parking sur 6 étages, un caprice d'autant plus surprenant qu’Ambani n'y habite pas, depuis qu'il s'est rendu compte que cette habitation était non-conforme au vastu shastra, une science de la construction et de l’aménagement intérieur extrêmement ancienne...)
La ville est devenue si chère qu'une bonne partie des activités sont délocalisée, non plus vers Navi Mumbai, mais encore plus loin, vers la mégapole voisine de Pune (5 millions d'habitants), à 150 km plus à l’est. 2° effet pervers de ces loyers élevés : une forte spéculation, qui entraîne de la corruption et le développement de programmes de logements qui ne trouvent pas de preneurs, parce que les loyers sont aussi élevés qu'à New York, alors que la population gagne en moyenne 200 euros par mois.
A l’inverse, il y a une toujours forte concentration de slums entre le quartier du fort et « film city ». On rappelle que 60% de la population vit dans des slums, souvent proches des CBD. Les bidonvilles  géants de  Dharavi ou de Juhu, le slum du film Slumdog millionaire.  Le bidonville  de Darhavi est l’un des plus grands d’Asie avec 700 00 habitants. (Certains parlent de 1 million d’habitant). Ces slums encerclent le CBD de Bandra-Kurla, qui se retrouve cerné.
B.      La volonté de rendre l’habitat plus attractif
L’enrichissement de Mumbai, lié à l’afflux d’IDE, a fini par atteindre les slums. Dharavi, au nord du quartier du Fort, longtemps bidonville repoussoir de la ville. Slum spécialisé à l’origine dans l'ingrat métier du cuir. Depuis 5 ans, ce bidonville s'est enrichi et une partie de la population y est entrée dans la société de consommation. Le slum abrite à présent  à la fois des populations pauvres, mais aussi des classes moyennes, qui n'ont pas les moyens d'habiter dans les immeubles de luxe du front de mer.
La municipalité tente de légaliser l'habitat des slums mais la tâche est compliquée par l'arrivée permanente de nouveaux arrivants. Les résultats de cette réhabilitation sont décevants. En fait, malgré sa crasse, les habitants sont attachés à Dharavi : d’abord parce qu’il est très bien situé, à deux pas du quartier du Fort, ensuite, parce qu’il y aurait, paraît-il, une vie de quartier, solidaire, que l’on ne retrouve pas dans les immeubles modernes à l’occidentale.
Mais les slums sont aussi des endroits de criminalité, et on assiste depuis peu  au développement de ghettos pour riches : une smart city , Palava, (ville qui organise une gestion intelligente des déchets, de l'énergie et des transports) se développe au nord de Navi Mumbai, mais cette ville est une gated-community, qui accentue la fragmentation sociale de la ville. (Suggestion de rajouter Palava  sur le croquis.)
C.      Des défis environnementaux
Hygiène  = point faible de la ville. Mumbai n'est pas la ville la plus polluée, à l'échelle de l'Inde, grâce aux vents marins qui dispersent les polluants. Mais les difficultés environnementales sont nombreuses.
-          Une difficile gestion de l'eau : à peine 20% de la population a accès à l'eau potable. L'évacuation des eaux usées est une cause de maladies. La ville est, de plus régulièrement inondée (mousson), ce qui disperse les déchets.
-          Autre point faible : la congestion automobile : génère perte de temps, d’argent et pollution au Co².
-          La pression immobilière, qui s'exerce aux dépens du parc Sanjay  Gandhi et de la géographie de la région en générale. Les animaux du parc son traqués et leur habitat est menacé. La pression immobilière s'exerce aussi aux dépens de la mangrove le long des côtes, ainsi qu'aux dépens des excellentes terres arables, qui reculent inexorablement.
Mumbai est une mégapole moderne et dynamique, en plein essor et ouverte sur la mondialisation, mais avec des fragilités sociales et environnementales qui en font encore une ville des pays du sud. La municipalité a fait de gros efforts pour réorganiser la ville et  pour réduire les inégalités, qui même si elles sont typiques des villes de l'Asie, sont plus visibles à Mumbai  que nulle part ailleurs dans le monde.

Mais ces politiques urbaines resteront vaines tant que la ville agira comme un aimant auprès d'une population rurale pauvre, parfois illettrée, attirée, tels des papillons de nuit, par les lumières de la grande métropole de l'Océan Indien. Mumbai devient alors le reflet de Bollywood : un miroir aux alouettes provoquant  des rêves illusoires. 

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